Le tableau de Répine bricole les intraduisibles. Les pigments sorciers saisissent Ivan le Terrible, ses ombres, ses semblables, et on entend bruire sous les larmes du fils les larmes de toutes les Yana, les miennes et peut-être les vôtres.
Je ne m’apprête pas à conter ma cavale. J’en ai fini avec les tribulations odysséennes. Je prépare ma toile, je commence un portrait.
"Y aura-t-il de quoi dessiner au paradis ?"
Aux salauds tapis dans l'ombre, l'action de l'ombre seule peut être opposée.
L'enfant en nous n'est pas perdu. Il loge quelque part entre les strates et les plis, dans l'entrelacs des masques, cicatrices, rides et maquillages, écrasé sous le glacis qui fait les corps adultes malgré eux.
Nos chairs, nos muscles et nos os s’animent des mouvements qui patiemment s’inscrivent en eux depuis l’aube des temps. Des sons archaïques sortent de nos bouches, souffles et raclements de gorge, quelque chose s’exprime de l’apprentissage de milliers de primates engendrés les uns après les autres avant nous. Nous parcourons nos couches d’ancestralité, c’est comme une archéologie physiologique.
– On n’écrit donc plus rien de beau aujourd’hui ? Il n’y a plus de belletriste ?
– Belletriste ?
– Tu ne connais pas le mot ?
– Non.
– Non !?! Les Français ont les belles‐lettres, mais ne savent pas comment nommer celui qui les pratique ?
Les pigments sorciers saisissent Ivan le Terrible, ses ombres, ses semblables, et on entend bruire sous les larmes du fils les larmes de toutes les Yana, les miennes et peut‐être les vôtres.
Il n’y a que le vrai qui compte. Et ici, le vrai, c’est une petite vieille ratatinée !
Sur cette grande bande de terre qui va de la mer d’Iroise à la mer des Tchouktches, elle aimerait que l’humanité cesse de construire ces fables imbéciles, les empires, la gloriole militaire qui n’est qu’empilement de vies détruites au nom du chef ou du Saint‐Esprit, de l’or ou de l’honneur, c’est‐à‐dire rien, du vent ; elle imagine l’art, l’intelligence, les langues et l’amour se balader librement de la pointe du Raz à la Tchoukotka, effaçant les anciennes fictions, les anciens cultes, tous les anciens crétins terribles.