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Critique de otarcie


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UNE BELLE CRITIQUE

Après l'humour, la délicatesse. Aucun autre mot ne paraît mieux convenir à Une façon d'aimer, le nouveau roman de Dominique Barbéris. Son sujet ? Tout simplement « le fait mystérieux et obscur d'avoir vécu ».

À la manière d'un archéologue qui plongerait chaque jour en quête d'objets restés captifs de l'épave du Titanic, la narratrice reconstitue par petites touches un monde englouti : la vie de sa tante Madeleine. Les jeunes années nantaises : « Sur l'enfance de ma tante, je n'ai que peu d'éléments : le chagrin, la sidération à la mort de son père ; elle avait douze ans. À la maison, un univers de femmes ; un huis clos féminin à la fois rassurant et étouffant, fait de principes et d'interdits. » On songe à Composition française, retour sur une enfance bretonne de Mona Ozouf. Puis le basculement dans l'âge adulte - attablée avec son fiancé, l'une des plus belles scènes du livre, Madeleine éprouve « l'angoisse devant ce grand changement de son existence, ou ce sentiment qui vous prend (la nuit montait) devant des moments qu'on voudrait retenir, quand on prend conscience, tout à coup, d'une certaine manière poignante et humaine, du temps qui glisse autour de vous, en vous ? » Et enfin le quotidien conjugal à Douala, capitale économique du Cameroun alors sous mandat français.

Partie où l'écriture, d'une rare économie, se fait aussi miraculeuse que la plus fine dentelle pour unir dans sa trame la vie dans les colonies, une vaporeuse romance avec un coureur local et la montée du péril indépendantiste.

Pour évoquer la vie même, pour redonner chair aux ombres, pour retrouver cette tante « passée de l'autre côté du temps ». On relit certaines phrases du roman à voix haute afin de se convaincre du prodige. On salue la pudeur de la romancière comme celle de ses personnages. Personne ne confond plus ici la véhémence avec l'engagement, le vacarme avec la musique, la sincérité avec le déballage, l'intime avec un cabinet de gynécologie. « Peut-être que le silence est une façon d'aimer », est-il dit pour finir. Peut-être que le silence est aussi une façon d'écrire.


Eric Naulleau
JDD N.4002 du 24-09-2003



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