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Critique de Krissie78


La guerre de Troie fait partie de notre héritage culturel, même sans avoir lu « L'Iliade » d'Homère, même sans être un helléniste chevronné. Nous avons tous en tête, plus ou moins précisément, l'histoire de cette guerre de près de 10 ans qui opposa les rois grecs aux Troyens parce que Parîs avait enlevé la belle Hélène, et les combats qui virent s'opposer les troyens Hector, Parîs et Priam aux Grecs Alix, Ulysse, Patrocle et le plus grand de tous : Achille, tous ralliés à Agamemnon. Mais à part Hélène et Iphigénie, que savons-nous du sort des femmes pendant cette longue bataille sous les murailles de Troie ?

Avec « le silence des vaincues », Pat Barker donne la parole à celles qu'Homère a totalement oubliées dans ses récits : les femmes, ou plutôt souvent des jeunes filles entre 15 et 20 ans. L'auteure s'empare de la destinée de Briséis, reine de Lyrnessos, faite prisonnière par les Grecs après la chute de sa ville. Comme toutes les femmes des cités conquises elle devient esclave des soldats grecs. du fait de son rang elle est donnée en trophée à Achille. Malgré elle, elle deviendra un enjeu majeur de cette guerre, lorsque Agamemnon ravira son trophée à Achille. Ce dernier refusera dès lors de continuer à se battre à la tête de ses myrmidons, aux côtés des armées grecques . Blessé dans son orgueil par le geste d'Agamemnon il assistera au recul de ses compagnons sur le champ de bataille, jusqu'à la mort de Patrocle.

Briséis sera le témoin des états d'âme du grand héros grec. Fils d'une divinité de la mer et d'un mortel, force de la nature, guerrier téméraire, homme seul aussi. Contrainte, comme ses semblables, à la partager la couche de celui qui a massacré son époux et ses frères, Briséis n'est pas résignée. Pat Barker dresse le portrait de femmes volontaires, déterminées, qui certes tremblent pour leur vie mais qui se battent à leur manière pour rester dignes et pour s'adapter à ces conditions de vie sous le signe de la violence, pour rester en vie et chérir la mémoire de leurs pères, maris et fils perdus, le tout dans un contexte complexe politiquement, humainement et socialement.

Briséis ne raconte pas seulement son histoire. Elle raconte aussi celle d'Achille vue par les yeux d'une femme, laquelle est aussi mère et fille. Car si la guerre est une histoire d'hommes, la guerre de Troie particulièrement implique énormément les femmes. Objet de désir ou objet de vengeance, objet de domination ou exutoire, source de plaisir ou objet de sacrifice aux Dieux pour satisfaire la soif de bataille, de victoire, de vengeance des hommes mortels. L'amour a vraiment peu de place dans cet univers dont il nous est donné à voir l'envers du décor. Lorsqu'il surgit malgré tout, l'auteur démontre toute la complexité de la situation de la femme esclave, à la merci du bon vouloir du vainqueur.

En s'emparant de l'histoire de Briséis, Pat Barker fait de cette guerre, de cette longue bataille de près de 10 ans, une histoire de familles, de pères et de fils, de mère et de filles, de frères et de cousins, de belles-filles et de soeurs, livrant un récit résolument féministe. Elle transforme également ces héros grecs en hommes de chair et de sang, qui obéissent aux règles de leur époque, conformément à l'environnement dans lequel ils ont été élevés, mais qui sont aussi des êtres doués de sentiments. Pas de jugement, seulement un constat.

Un grand roman. Une belle réécriture.
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