Citations sur À fleur de peau (16)
D’ailleurs, pour les psys, personne n’était véritablement normal. La ligne qui séparait les êtres en liberté de ceux qui étaient enfermés ne correspondait pas à une frontière entre la normalité et la folie, mais entre la maîtrise de ses pulsions et le passage à l’acte.
"Elle sent tout près d'elle la présence de l'être qui lui parle. Elle ne parvient pas à le voir. La pièce est plongée dans l'obscurité, en dehors des lumières émises par le poste de télévision. Le casque qui lui immobilise la tête l'empêche de se tourner. Elle sent un souffle chaud sur sa nuque. Des lèvres qui effleurent sa peau. Un léger halètement dans la voix de l'inconnu qui lui chuchote : "Bienvenue dans le monde fabuleux du magicien d'Oz."
Elle s'imaginait qu'au-dehors, le monde continuait à tourner. Sans elle. Cela ne la touchait pas, il avait toujours tourné sans elle. Plus exactement, c'était elle qui ne tournait pas rond.
Tu es ma princesse et je veillerai toujours sur toi. Il suffit que tu aies confiance en moi. Tu entends ? Aie confiance… Aie confiance… Aie confiance… »
Elle sent tout près d’elle la présence de l’être qui lui parle. Elle ne parvient pas à le voir. La pièce est plongée dans l’obscurité, en dehors des lumières émises par le poste de télévision. Le casque qui lui immobilise la tête l’empêche de se tourner. Elle sent un souffle chaud sur sa nuque. Des lèvres qui effleurent sa peau. Un léger halètement dans la voix de l’inconnu qui lui chuchote : « Bienvenue dans le monde fabuleux du Magicien d’Oz. »
- C'est pas un règlement de comptes entre clans, lieutenant Gallaway. La victime serait Richard Holstein.
Jim écarquilla les yeux.
- Le gauchiste qui se présente au Sénat ? J'y crois pas ! Il faudrait le décorer celui qui a fait la peau à ce rouge. Des infos ?
- T'excite pas ! File là-bas vérifier tout çà. L'appel vient de sa belle-fille, Jane Mc Leone, étudiante à l'université. Elle est dans tous ses états, et assez confuse.
- La petite Jane ? Elle a vu quelque chose, un suspect ?
- Non, le suspect, c'est elle....
- Pardon ?
- Elle s'accuse du meurtre de son beau-père.
Jane ne bougeait pas. Elle restait dans la même position, bien calée sur la chaise en alu, le dos droit, les deux mains posées sur la table. Cela faisait plus d’une heure qu’elle ne faisait rien d’autre qu’attendre, pareille à une statue sans vie. Elle avait l’habitude de ces pauses, quand le cours de l’existence s’interrompt soudain. Paradoxalement c’était dans cette inaction qu’elle avait le sentiment d’être vraiment elle-même.
Combien de générations de gamins ont-elles été traumatisées par ces créatures démoniaques ? Heureusement, ces épisodes ne durent jamais longtemps ; le héros ou l’héroïne parvient finalement à vaincre le mal et à dissiper les ténèbres, et le conte finit toujours bien, dans le meilleur des mondes possibles.
Depuis combien de temps est-elle là ? Elle n’en a aucune idée. Des heures, des jours peut-être. Elle a perdu la notion du temps. La pièce, ou plus exactement la cellule dans laquelle elle se trouve, ne comporte aucune ouverture vers l’extérieur, aucune horloge, aucun instrument destiné à mesurer le temps. Elle ne peut même pas se fier à la fréquence des repas ou à celle de ses besoins naturels pour tenter d’estimer la succession des jours et des nuits. Elle est alimentée et hydratée au moyen de cathéters et de sondes tandis qu’un bassin situé sous son siège recueille et élimine automatiquement les matières et les fluides qui s’écoulent d’elle.
Depuis quelques années, elle parvenait assez bien à dissimuler ses troubles. Mais si ses crises revenaient, elle ne pourrait pas donner le change très longtemps. Une fille errant sur le campus tel un zombie, faisant n’importe quoi sans avoir la moindre notion de ses actes, cela n’avait rien de rassurant. Ni pour elle ni pour les autres. Pour les autres, surtout.
Elle pensait sincèrement qu’elle avait dépassé ses crises. Elle en avait de moins en moins, d’ailleurs. Quasiment plus, pour être honnête. Elle vivait une vie normale. Presque normale. En réalité, elle dépensait une énergie incroyable à faire en sorte que les autres la croient normale. Une vigilance de tous les instants. Elle était en permanence en état de contrôle, surveillait chacun de ses gestes, chacune de ses paroles. Prétendre être dans la norme. Une jeune fille comme les autres. Jeune, brillante, réussissant ses études. Elle avait su créer un personnage parfaitement crédible en apparence et auquel elle était la seule à ne pas croire. Pour s’en convaincre, elle se récitait chaque jour son curriculum vitae : ...