- Tu travailles ici ? Je cherche Cent ans de solitude. C'est pour mon club de lecture.
- Jamais entendu parler.
- Moi non plus. Ça m'a l'air assommant. C'est vrai, quoi. Cent ans de solitude, j'ai ça tous les soirs à la maison. A 7 heures, il roupille déjà dans son fauteuil.
Je suis parti dans l’espace parce que je ne supportais plus d’être sur Terre, parce que je ne pouvais pas contempler une seconde de plus le gâchis absolu qu’était ma vie. Depuis tout petit, tout est allé de travers. Je n’ai pas été foutu d’être un fils, d’être un mari, pas été foutu de rien. Je n’ai même pas été foutu de ne pas être le premier homme sur Mars. Cette mission n’a jamais été prévue pour moi. Je ne suis parti que parce que celui qui devait y aller est tombé raide mort sous mon nez.
Thomas se méfie des gens qui mettent une cravate pour aller bosser, de nos jours. C'est totalement inutile. Les cravates, c'est pour les enterrements - dont Thomas a une grande expérience - et pour les mariages, dont il a une connaissance fugace.
D'accord. Tu veux savoir ce qui me plaît le plus dans l'espace ? C'est de ne pas être sur Terre. Je devais avoir à peu près ton âge quand j'ai compris un truc: que le monde est une merde et tous ceux qui l'occupent aussi. J'ai passé ma vie à voir mes ambitions partir en fumée. Alors quand l'occasion de tout larguer s'est présentée - et je dis bien tout larguer au sens propre - j'ai sauté dessus à pieds joints. Aujourd'hui, j'ai la seule chose que j'ai toujours voulue. Plus personne. Je suis seul. Dans la plus complète et totale...
Le jour où Thomas fête ses quarante-six ans commence par l'annonce du décès de David Bowie. Eh ben, génial, songe-t-il. Juste pour mon anniversaire, sympa.
Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille dysfonctionnelle azimutée à la con est dysfonctionnelle azimutée à sa façon, songe Ellie assise sur un banc public devant la banque, d'où, abritée de la bruine intermittentes par des arbres malingres, elle guette le passage de famille heureuses.