Le portail se referme en claquant. Alors que Willem regarde dans le rétroviseur, deux garçons en treillis se précipitent pour y mettre une chaîne. Leur hâte suggère une invasion imminente.
Pas de viande, Samuel, pas de viande ! [...] À la maison, je pouvais presque voir Fred grandir sous mes yeux, mais ce matin, quand je l'ai pris dans mes bras, il m'a paru plus léger. Cela ne fait même pas une semaine. De la viande avariée, c'était déjà mieux que rien. Je suppose que toi, tu manges tout ce que tu peux trouver au bout de ton fusil. Vautours et rats sont les seuls animaux que nous avons ici.
Si j’avais pu entendre quoi que ce soit par-dessus le chaos, ç’aurait été le silence ; pas seulement une absence de son, mais l’impossibilité totale d’articuler un mot, une gorge nouée à tout jamais par le chagrin.
Tout ce qu'il veut, c'est caresser la tête qui portait toutes ces belles boucles, et couvrir le visage de Willem de baisers jusqu'à ce qu'il cesse de pleurer.
Non, elle ne savait pas. Non, elle ne savait pas. Non. Si seulement j'avais su.
Si un regard pouvait tuer, elle serait sur le banc des accusés.
Quand j'ai vu sa bibliothèque, je n'en ai pas cru mes yeux. Une pièce entière remplie d'histoires. Un air riche des effluves du cuir, du papier et des mots attendants d'être lus. Cette odeur porte t-elle un nom ?
La mort est notre compagne de tous les instants, ici. Typhoïde et malaria sont les causes officielles. Mais en réalité ce sont la faim et l’empoisonnement.
Depuis que tu es parti - n'était-ce vraiment qu'il y a une semaine ? - nous pouvons sentir la fumée. Nous nourrissons les déplacés qui mendient à notre portail. Femmes, enfants et Kaffirs. Un peu plus chaque jour. Nous donnons ce que nous pouvons et écoutons leurs récits - ils ne peuvent pas tous être vrais. Les Anglais sont, après tout, de la même race que nous. Ils partagent notre foi, à défaut de notre dévotion. Notre Père est le leur. Ils perdent partout mais tu n'es nulle part et cela les rend fous. Je savais que tu allais partir lorsque les ordres de Lord Roberts ont fini par arriver à nos oreilles : "Il est absolument essentiel de les forcer tous à la soumission et il est désormais évident que celle-ci ne peut être obtenue que par des mesures drastiques. Vous devez, je vous prie, ne montrer aucune merci, et ce que vous ne pouvez emporter, vous devez le détruire..."
Notre camp – il y en a d'autres – contient 250 tentes. La limite d'occupation officielle est prétendument e quinze par tente. Donc, nous sommes au moins 3000. Il y a une semaine, nous étions tous des fermiers. Maintenant il n'y a plus de fermes. Nous sommes des "réfugiés". La proportion de prisonniers – c'est ce que nous sommes, d'après Helen – par rapport aux soldats est de cent contre un. Mais ils sont armés. Le seul portail est celui à l'entrée. Il n'y ni clôtures ni murs pour nous retenir. Où irions-nous si nous nous enfuyions ? Bloemfontein est à trois kilomètres de là. Le camp est installé sur une pente, et comme à la maison, on peut voir à des kilomètres à la ronde, mais il n'y a rien autour de nous : ni maisons, ni fermes, ni même un peu d'herbe. Tout a été brûlé, y compris les huttes des Indigènes. Les rares petites kopjes qui cassent la ligne d'horizon ont été dépouillées de toute leur végétation pour faire du bois à brûler. Il n'y a même pas un nuage dans le ciel. Nous avons tous travaillé si dur pour apprivoiser cette terre. Peut-être aucun d'entre nous n'a-t-il vraiment sa place ici.