Des mots me fuirent. Des mots que j'aurais préféré ne pas entendre. Néanmoins c'était bien ma bouche qui les proférait :
"Des choses qui arrivent, oui, quand on se donne au vin! c'est ma faute, bien sûr. Ma faute. (...) Je n'ai même pas été capable de...je suis lâche. Je suis sans force. La honte de ceux qui sont morts. Je me dégoûte. Je me dégoûte."
Je me levais à l'aube non pour chasser ou me promener avec des amis mais pour m'user à des travaux de femmes. Je n'étais pas né pour servir.
Néphé m'enseigna la langue du poète. Comparer le soleil à une pelote de laine d'or, dévidée par des fileuses aux doigts de nuages, ou prêter à l'aube des timidités de jeune fille. Être poète, disait-elle, c'était sentir et célébrer.
Tout ce qui était étranger à notre race et à ses coutumes ne revêtait pas la moindre importance à nos yeux. N'était-ce pas une erreur ?
J’étais tombé une fois, j’avais dégringolé des monts de l’enfance pour m’écraser dans le ravin de l’esclavage. Je ne voulais pas recommencer, me hisser trop haut et soudain perdre l’équilibre.
(...) j'avais vécu dans un univers d'équilibre, de règles et de contreparties, où l'ordre est assorti de tournures respectueuses et où la chasse sert à la subsistance. Je n'avais pas subi la cruauté des hommes dans toute sa sordidité.
Je ne vois pas Phérès, mais alors vraiment pas, comment une cité où tous les citoyens seraient égaux en droits et en devoirs pourrait être viable...
Celui ou celle qui, un jour, me demandera mon nom, mon vrai nom, à qui je dirai mon passé, cette personne sera pour moi différente entre toutes et je lui serai fidèle ma vie durant.
Mon destin n'était pas tout tracé comme mes parents, en me prodiguant l'éducation d'un futur chef, me l'avaient laissé croire. Des forces plus hautes, plus redoutables, étaient intervenues pour le modifier. Des trafiquants d'esclaves l'avaient métamorphosé. Je ne savais ce qui m'effrayait le plus, que des instances surnaturelles m'eussent précipité dans l'abîme ou que de simples hommes s'en fussent chargés.
Il me déplaisait d'habiter un monde où les hommes étaient autant à craindre que les dieux.