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Critique de christianebrody


L'exquise qualité d'écriture de Rick Bass n'est pas parvenue à m'ôter le sentiment d'ennui général ressenti tout au long de cette lecture. La plume ciselée, la perfection du récit, l'agencement des chapitres qui forment à eux seuls des délicieuses nouvelles me laissent sur ma faim. Ce livre ne m'inspire pas grand chose sauf un énorme sentiment d'enlisement comme si on dérivait dans un univers parallèle où le temps se figerait.



Nashville chrome est une oeuvre de fiction non une biographie. Certes les Brown ont réellement existé et ont connu leur heure de gloire dans les années 50/60. Leur musique, un mélange de folk, pop et d'harmonie bien tempérée, a posé les jalons de la country music, le Nashville style. Contemporains de Hank Williams, Elvis Presley, Johnny Cash, Beatles, ils ont marqué leur époque, inspiré quantité de musiciens, glané de nombreux prix, leurs chansons se classant durant des mois #1 des charts.



Le livre s'ouvre sur la scierie paternelle installée en pleine forêt à Poplar Creek, Arkansas. Enfants de la Dépresssion, Maxine, Jim Ed et Bonnie profitent pleinement de leur enfance sans ressentir leur grande pauvreté aussi crûment que leurs parents. Floyd, bûcheron unijambiste, porté sur la bouteille travaille dur et seelon les revers de leur fortune, alternera la scierie portative et la restauration domaine dans lequel Birdie excellera tant et bien que nombre de célébrités du sud à la recherche d'un gig s'arrêteront chez elle déguster sa cuisine. Ces deux lieux auront une influence capitale sur les futurs Brown. La scierie formera leur oreille. En effet, Floyd lors de l'aiguisement des lames se réfèrera toujours à l'ouie de ses enfants pour savoir si ses instruments sont bien affûtés. Ainsi naît la fameuse harmonie bien tempérée. Les restaurants, trois en tout qui brûleront tous, leur permettront de s'offrir des jam sessions avec Jerry Lee Lewis, Buddy Holly, Johnny Cash et autres futures graines de l'industrie multimilliardaire de la country à Nashville. Leur dernier restaurant verra débarqué un jeune Elvis, la guitare en bandoulière. Elvis partagera leur vie, leurs errances à travers le pays en quête d'une boîte qui accueillerait leur musique et se voit bien chanteur de gospel. Pour le moment, ils se contentent de reprendre les airs populaires entendus à la radio pour le plaisir de la famille et les voisins jusqu'à cce que Maxine envoie un enregistrement de leur musique au Barnyard Frolic, une émission radiophonique dédiée aux artistes locaux. Comme le diraient les djeuns, ils déchirent leur race puis rejoignent l'écurie du Grand Ole Opry, une émission hebdomadaire de grande écoute. Deux imprésarios marqueront leur carrière: Fabor Robinson, un esclavagiste véreux, un chasseur de talents qui profite éhonteusement de la crédulité de ces jeunes aspirants artistes pour s'enrichir et Chet Atkins qui ne ménagera pas ses efforts pour diffuser ce fameux son qui fait la marque des Brown. le groupe mettra fin à ses activités en 67 mais aura connu des tournées avec Les Beatles en Europe avant qu'ils ne deviennent un phénomène mondial. Les chapitres sur leur carrière alternent avec ceux de Maxine, aujourd'hui une vieille femme solitaire, ancienne alcoolique, quasi aveugle, impotente, rongée par l'amertume, le regret, la nostalgie, vivant d'aides sociales qui ne rêve que d'une chose: la reconnaissance de l'industrie de la musique et du public. Se retrouver encore une fois sur le devant de la scène, s'étourdire devant les applaudissements, chanter encore et toujours, revivre éternellement leur gloire passée et pourquoi pas un film qui les immortaliserait? L'oubli, l'absence de reconnaissance, les occasions manquées, ses pensées fielleuses occupent ses journées jusqu'au jour où elle laisse une annonce sur le panneau d'un super-marché. Après tout, Elvis, Cash, Hank ont eu leur film, pourquoi pas elle? C'est Jefferson Eads, un garçon un peu particulier qui y répondra et non Tom Hanks.



Comme je l'annonçais, ce n'est pas une biographie, l'auteur profite de cette longue complainte pour y exposer ses réflexions sur le star système mais surtout tente de cerner les motivations d'un être humain à désirer une telle exposition. Une oeuvre lyrique qui aborde les dangers de l'innocence broyée, la perte de repères, la cupidité, le processus destructeur de la nostalgie, de l'aigreur. Ses pensées le mènent à la notion de prédestination. Pourquoi la gloire même éphémère tombe-t-elle toujours sur les plus démunis, ceux qui ne sont pas taillés pour le combat? Ceux déjà marqués par le destin? Ceux qui ne sont que ruine à l'intérieur? Est-ce une énième plaisanterie du destin ou juste une fatalité? Sommes-nous maîtres de notre vie, de nos choix ou avançons-nous gaiement vers l'abattoir aveuglés par un mirage? A aucun moment, Rick Bass ne juge ni n'apporte de réponse tant l'idée de devenir célèbre juste pour l'être lui semble absurde. Son approche est philosophique et pendant cinq ans, il a essayé de cerner le problème sans trouver de réponse satisfaisante.



Le style est époustouflant dés qu'il aborde les descriptions de la nature mais traiter les ruminations de Maxine de la même façon étire le temps. Je reconnais les avantages du côté artisan, l'amour du travail soigné, ici, il se disperse. L'ensemble est par trop dilué et affecte la dynamique du récit alors que les chapitres pris séparément regorgent d'une puissance narrative inouïe. D'où l'ennui général. Cela n'altère en rien mon envie de découvrir ses autres livres. En rien du tout.
Lien : http://www.immobiletrips.com..
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