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Critique de Dandine


“Ce que j'ignorais, à l'epoque, c'est que les grands livres-sur-rien, les ecrivains — meme les meilleurs, meme les gros moustachus qui gueulent — ne parviennent jamais tout a fait a les ecrire. C'est pourquoi ils vont chercher, dans les journaux ou sur un vitrail, une histoire qui leur permettra de donner le change : l'histoire d'un saint dont les parents habitent un chateau, au milieu des bois, sur la pente d'une colline ; l'histoire de deux retraités qui revent de tout savoir ; ou celle d'une femme qui s'empoisonne.”

Julien Battesti ne pouvait mieux affirmer son admiration pour Flaubert. Mais par la meme occasion il insinue peut-etre que c'est ce qu'il s'est propose: ecrire un livre sur rien.

Il a reussi a l'ecrire, son livre. Sur rien? Mais non. Sans intrigue lineaire, etroite, en brossant des situations, des sensations, il arrive a traiter enormement de sujets, bien qu'il soit tout court. La solitude, voulue, assumee; la quete, de savoir, de comprendre la vie, de comprendre d'autres, sinon tous les autres; l'excitation, les compensations que procurent cette quete; la quete comme reparation de la solitude. Et ce que j'ai le plus aime c'est que c'est une peregrination en litterature, entre autres et surtout sur les traces de Melville et de son Bartleby.


Un étudiant en théologie à l'institut Catholique de Paris passe ses journées allongé au sol, tel un christ inverse, cloue au sol par des hernies discales, contemplant le plafond, et laisse devaler ses pensees, son imagination. Un étudiant qui a lu Melville, et qui un jour, par le plus grand des hasards, recherchant un livre titre Exit (qui en fait n'existe pas), tombe sur une vidéo sur Youtube, la video d'une septuagénaire, Michèle Causse, qui décide de mettre fin à ses jours par suicide assisté, à Zurich, alors qu'elle n'est atteinte d'aucune maladie grave (exit exemplaire, s'il en fut). Il est fasciné par cette démarche, qu'il peine à comprendre. Et, hasard troublant, il découvre quelques temps plus tard que cette Michèle Causse est l'une des traductrices de Bartleby le Scribe... (tout cela n'est pas imaginaire, mais tout a fait veridique, reel). Y a-t-il un rapport? Cet abandon de la vie est-il un refus? Un “je prefererais ne pas" plus moderne? L'etudiant part en enquete, et cette enquete sera peut-etre une reponse a ses doutes theologico-spirituels, peut-etre meme un remede a ses maux physiques.


Le narrateur rappele le Marcelo de “Bartleby et compagnie”, d'Enrique Vila-Matas, qui s'isole dans sa chambre. Comme Vila-Matas, il arrive a nous fournir, sous le pretexte d'une recherche litteraire, la plus vraie et la plus captivante des litteratures. Il avoue lui-meme: “ Car c'est la litterature qui fit pour moi office de lieu naturel : le lieu le plus sauvage et le seul respirable”.

Battesti a ecrit un roman? En verite, oui. Un roman qui se deguise, qui se cache. Une grande reussite. Et c'est un jeune auteur, ce Battesti. A suivre, assurement.


P.S. Il me faudra ecrire un billet sur le Vila-Matas. Je suis accro aux enchainements…

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