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Bartleby et compagnie est un roman bizarre. Une recherche litteraire deguisee en roman. C'est le journal que tient Marcelo, un ecrivain que les muses ont abandonne depuis 25 ans. Il decrit ses journees, ses sensations, et en pied de page des notes sur la negation de l'ecriture. Sur des ecrivains qui se sont nies a ecrire, qui n'ont pas su, qui n'ont pa pu, continuer a ecrire. Sur certains qui se sont caches derriere un anonymat opiniatre. Sur d'autres, qui n'ont rien ecrit, malgre l'aura de talent que tout le monde leur accordait. Des disciples du heros de Melville, le scribe Bartleby, et sa reponse a tout et a tous: “je prefererais ne pas". La vanite et la modestie. La perte de foi, le manque de conviction, ou la reaffirmation d'une conviction. La paresse et l'inertie, ou des fois l'hyperactivite. Toutes raisons qui peuvent amener un ecrivain au syndrome de Bartleby, au refus de s'y mettre, au refus de continuer. En derniere instance ce “roman" est un voyage au pays de la litterature. Une reflexion sur la valeur de la litterature. Pourquoi refuser d'ecrire? Parce que tout a deja ete dit? Qu'il n'y a rien a rajouter? Parce que le langage ne peut vraiment exprimer la vie? Parce que ca ne vaut pas le cout d'arreter de vivre pour ecrire sur la vie? Et la question devient vite pourquoi ecrire? le narrateur se presente comme un non-ecrivain, mais en fait il ecrit. Il est un continuateur malgre lui, et bien qu'il s'en dedise il comprend que ses notes au pied de page peuvent avoir de la valeur, et pas que pour lui. Il est important de parler bien qu'il fasse bon de se taire. Ne serait-ce qu'une fois. “Traven se cachait, et moi, je vais me cacher, demain le soleil se cachera, ce sera la dernière éclipse totale du millénaire. Et ma voix, déjà, commence à se faire lointaine tout en se préparant à annoncer qu'elle s'en va, qu'elle s'en va goûter à d'autres lieux. Je n'aurai existé, dit la voix, que si en parlant de moi c'est de vie que l'on peut parler. Et elle dit qu'elle s'éclipse, qu'elle s'en va, que ce serait parfait de finir ici, mais elle se demande si c'est bien souhaitable. Et elle se répond à elle-même que c'est souhaitable, en effet, que ce serait merveilleux de finir ici, ce serait parfait, qui qu'elle soit, où qu'elle soit”. Avec beaucoup d'ironie, une attitude un peu espiegle, Vila-Matas nous propose un regard frais (neuf? que de plus erudits tranchent) sur la litterature. Un voyage original dans ces contrees. Par de petites routes delaissees, par des chemins detournes. Pour rompre les habitudes. Pour changer d'air. Ca fait du bien. + Lire la suite |