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Critique de ODP31


Menu quatre étoiles.
Tant pis si le Michelin ne sait pas compter au-delà de trois. Il faudrait peut-être lui greffer un doigt de plus.
Paul Renoir a été sacré meilleur cuisinier du monde et il met fin à ses jours sans une ligne d'explication ni panache façon grande bouffe. Par ici l'addition. On n'entendra hélas plus Loiseau chanter.
Il est au sommet de son art, sa trombine sur des plats cuisinés, son nom est une marque, un documentaire s'est toqué de lui, il tutoie les plus grands et vouvoie le passé. Celui de sa grand-mère, sa muse en cuisine qu'il a vu faire de l'auberge familiale un restaurant de renom.
Son dernier restaurant, à Annecy, s'appelle Les Promesses. Elles sont tenues chaque soir, au prix d'une exigence quotidienne plus stressante qu'une veille d'IRM et qui repose sur une brigade dévouée sous tension permanente. Tout sacrifier pour l'excellence, pour une course aux étoiles qui se termine en fessée à la spatule, le cul talqué à la farine pour le commis maladroit. C'est tous les soirs Vatel qui attend sa commande de poisson au risque d'avaler une arête de travers.
Comme Paul Renoir n'a pas laissé le menu de son suicide, le récit nous offre son destin, entrée, plat, dessert (et la cuenta por favor) en alternance avec la reprise en main de son restaurant par son second et de ses dettes par sa veuve. Pour assaisonner tout cela, ajouter une pincée de critique culinaire repu en quête d'authenticité et un soupçon de fiston cynique qui épouse les modes de son époque. Par ici, le burger au chorizo et le maki à la betterave. Amuse-bouche et foutage de gueule en copier-coller.
Gautier Battistella m'avait impressionné il y a quelques années avec « Un jeune homme prometteur », roman d'apprentissage classique qui déniaisait un peu le genre et le héros par la même occasion.
Ancien critique du Guide Michelin pendant 15 ans et journaliste gastronomique, l'écrivain passe derrière les fourneaux avec aisance et au-delà du thermostat déréglé de ses personnages, il déroule à feu doux l'évolution des plus grandes tables et les quatre dernières générations de grands chefs. On passe ainsi de l'aubergiste qui ne craignait pas une plainte pour une crise de goutte, aux amiraux bocusiens de la Nouvelle Cuisine exportateurs de tambouille, aux petits chimistes moléculaires des années 2000 jusqu'aux locavores actuels… Promis, j'ai cueilli mes asperges sur le rond-point d'à côté et pêché mon homard dans le pédiluve de la piscine municipale. Pour le vin bio sans alcool, je ventile mes vignes avec des éoliennes.
Tout n'est pas fiction dans l'assiette et dans ce roman. Comme son chef, l'auteur vend du rêve mais dans une quête permanente d'authenticité.
L'auteur n'omet ni la dureté des brigades et son management nord-coréen, ni les rumeurs qui foisonnent avant chaque nouvelle nuit des étoiles, ni les trahisons mais il parle aussi de passion, de convivialité et de transmission.
Je me suis régalé. Laissez vous tenter et passez à table. Et l'avantage de ce livre, c'est qu'il n'est pas nécessaire de réserver six mois avant pour le déguster.
Seul plat raté, en dehors de la salade diplomatique qui toujours m'afflige dans tous les repas, c'est la couverture. On dirait une illustration de "Martine joue à la dinette".
J'ai un peu la dalle, moi. Par ici la bonne soupe.
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