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Critique de Aaliz


Aaliz
20 novembre 2014
Mais qu'est-ce donc que cette folie meurtrière envers le monde animal qui s'empare de nos jeunes auteurs de cette rentrée littéraire ?
Après Pierre Raufast qui a fait subir nombre de tortures aux sauterelles et aux rats-taupes, voilà Gautier Battistella qui s'en prend aux limaces.

J'étais très impatiente de découvrir ce premier roman d'un tout nouvel auteur dont le résumé me semblait très alléchant. Je m'étais donc faite une petite idée du contenu du roman. En général, lorsque je commence une lecture avec des attentes et que l'auteur ne prend pas la direction que je supposais, ça se termine souvent en grosse déception.
Eh bien, ça n'a pas du tout été le cas ici. Bien au contraire, Gautier Battistella a su me surprendre totalement et j'ai englouti ce roman avec avidité.

Tout commence en dehors du temps dans un petit village des Pyrénées où les blessés de la vie se retrouvent et cherchent l'oubli et la rédemption. C'est dans ce village que vont grandir le narrateur et son frère après un douloureux passage à l'orphelinat dont une vieille dame au grand coeur, Mémé, les sauve en les adoptant.
De sa voix enfantine, le narrateur nous raconte son enfance, ses liens avec son frère, les bêtises avec les copains, la peur de la vieille sorcière d'à côté, les premiers amours.
Là où le grand frère semble violent, impulsif et extraverti, le narrateur, lui, plus posé, se tourne vers les activités en solitaire et en particulier la littérature. C'est décidé, il sera écrivain.
Diplôme en poche et tel un Rastignac gonflé à bloc, il part défier Paris où il espère que l'attendent opportunités, succès et célébrité.
Mais c'est plutôt comme un Lucien de Rubempré que le narrateur finit par perdre peu à peu ses illusions et pas que. Il doit de plus lutter contre l'influence malsaine de son Vautrin de frère dont les apparitions toujours inattendues semblent coïncider avec les instants les plus sombres et noirs de sa vie.
On comprend progressivement que le narrateur, qui, parallèlement à son travail d'écriture, est également en quête de son identité et de ses origines, n'est pas totalement maître de ses actes et de son esprit. Les « médiocres » du milieu littéraire, les « limaces » en feront particulièrement les frais.

J'ai vraiment beaucoup aimé ce roman. J'ai adoré ne pas savoir du tout où l'auteur allait m'emmener, j'ai adoré passer du roman presque « terroir du XIXème siècle » écrit dans le style « Petit Nicolas » au roman noir plus contemporain et au style incisif.
Cette évolution du style, du ton, en fonction de l'âge du narrateur est extrêmement bien menée. J'ai adoré ne pas toujours comprendre ce qui se passait dans la tête du narrateur, ces moments de doute, ces questionnements. J'aime les personnages qui intriguent le lecteur et qu'on ne parvient pas tout à fait à cerner, ceux qui vous surprennent et vous tiennent prisonnier de leurs délires au point que vous vous faites manipuler sans vous en rendre compte.
J'avoue quand même que le « secret » était finalement assez prévisible et que j'aurais aimé quelque chose de plus surprenant mais ça n'enlève rien au fait que j'ai englouti ce livre en 2 jours et que je le reprenais toujours avec grand appétit.

J'ai particulièrement apprécié aussi la critique du monde littéraire actuel, la célébrité imméritée de certains auteurs au talent plus que douteux, l'égocentrisme de certains. Gautier Battistella imagine aussi les critiques que lui feront les « professionnels », dénonce la platitude et le mielleux outrancier de certains compliments, parodie certaines éloges faites à des auteurs adulés. J'y ai retrouvé des phrases « bateau » que moi-même j'utilise parfois dans mes avis et je peux vous dire que ça fait réfléchir !
Dans son interview donnée à ONPC, Gautier Battistella affirme avoir imaginé ce monde littéraire qu'il fustige dans son roman mais ça sonne tellement juste ( on peut même s'amuser à identifier certains auteurs) et ça correspond tellement à l'idée que j'en ai aussi que certaines scènes, malgré leur violence, m'ont faite jubiler ( je vais vraiment devoir penser à la psychanalyse moi …)

Bref, je ne saurai que trop vous conseiller la lecture de ce roman d'un jeune auteur prometteur.

« Je ne l'ai pas appelée tout de suite. Elle aurait été capable de se croire irrésistible. le temps de me préparer à la confrontation. J'avalais chaque soir ma gélule de colère. Je lisais un paragraphe de sa dernière romance, dopée au viagra et aux bons sentiments, troublée par les problèmes d'érection du narrateur et les déboires hormonaux de ses conquêtes, dont l'une n'a même pas dix-huit ans et saigne chaque fois qu'elle se fait pénétrer. Heureusement que le héros, un gentil docteur, la sauve des griffes d'un frère envahissant et d'une soeur suicidaire. J'avalais ses mots en me pinçant les narines. Des mots malodorants, qui font mal gratuitement, sournois. Ils vandalisent le lecteur, drainent la méchanceté comme l'abcès de fixation le pus. Lasse avait inventé le bouquin laxatif. L'exercice se révélait chaque jour plus pénible. Souillé, je ne voyais qu'une alternative à ma guérison : me débarrasser d'elle. »


Lien : http://cherrylivres.blogspot..
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