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Citations sur Oeuvres complètes, tome 1 (111)

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées
Mon esprit tu te meus avec agileté,
Et, comme un bon nageur qui se pame dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immnensité profonde
Avec une indicible et male volupté,
Envole toi loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.
Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'éxistence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lunmineux et sereins;
Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin, prennent un libre essor,
-Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !
(Elévation)
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Ce qu’il y a d’ennuyeux dans l’amour, c’est que c’est un crime où l’on ne peut se passer d’un complice.


Journaux intimes - Mon cœur mis à nu
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Portraits de maîtresses

Dans un boudoir d’hommes, c’est-à-dire dans un fumoir attenant à un élégant tripot, quatre hommes fumaient et buvaient. Ils n’étaient précisément ni jeunes ni vieux, ni beaux ni laids ; mais vieux ou jeunes, ils portaient cette distinction non méconnaissable des vétérans de la joie, cet indescriptible je ne sais quoi, cette tristesse froide et railleuse qui dit clairement : « Nous avons fortement vécu, et nous cherchons ce que nous pourrions aimer et estimer. »

L’un d’eux jeta la causerie sur le sujet des femmes. Il eût été plus philosophique de n’en pas parler du tout ; mais il y a des gens d’esprit qui, après boire, ne méprisent pas les conversations banales. On écoute alors celui qui parle, comme on écouterait de la musique de danse.

« Tous les hommes, disait celui-ci, ont eu l’âge de Chérubin : c’est l’époque où, faute de dryades, on embrasse, sans dégoût, le tronc des chênes. C’est le premier degré de l’amour. Au second degré, on commence à choisir. Pouvoir délibérer, c’est déjà une décadence. C’est alors qu’on recherche décidément la beauté. Pour moi, messieurs, je me fais gloire d’être arrivé, depuis longtemps, à l’époque climatérique du troisième degré où la beauté elle-même ne suffit plus, si elle n’est assaisonnée par le parfum, la parure, et cætera. J’avouerai même que j’aspire quelquefois, comme à un bonheur inconnu, à un certain quatrième degré qui doit marquer le calme absolu. Mais, durant toute ma vie, excepté à l’âge de Chérubin, j’ai été plus sensible que tout autre à l’énervante sottise, à l’irritante médiocrité des femmes. Ce que j’aime surtout dans les animaux, c’est leur candeur. Jugez donc combien j’ai dû souffrir par ma dernière maîtresse.

« C’était la bâtarde d’un prince. Belle, cela va sans dire ; sans cela, pourquoi l’aurais-je prise ? Mais elle gâtait cette grande qualité par une ambition malséante et difforme. C’était une femme qui voulait toujours faire l’homme. « Vous n’êtes pas un homme ! Ah ! si j’étais un homme ! De nous deux, c’est moi qui suis l’homme ! » Tels étaient les insupportables refrains qui sortaient de cette bouche d’où je n’aurais voulu voir s’envoler que des chansons. À propos d’un livre, d’un poëme, d’un opéra pour lequel je laissais échapper mon admiration : « Vous croyez peut-être que cela est très-fort ? disait-elle aussitôt ; est-ce que vous vous connaissez en force ? » et elle argumentait.

« Un beau jour elle s’est mise à la chimie ; de sorte qu’entre ma bouche et la sienne je trouvai désormais un masque de verre. Avec tout cela, fort bégueule. Si parfois je la bousculais par un geste un peu trop amoureux, elle se convulsait comme une sensitive violée…

— Comment cela a-t-il fini ? dit l’un des trois autres. Je ne vous savais pas si patient.

— Dieu, reprit-il, mit le remède dans le mal. Un jour je trouvai cette Minerve, affamée de force idéale, en tête-à-tête avec mon domestique, et dans une situation qui m’obligea à me retirer discrètement pour ne pas les faire rougir. Le soir je les congédiai tous les deux, en leur payant les arrérages de leurs gages.

— Pour moi, reprit l’interrupteur, je n’ai à me plaindre que de moi-même. Le bonheur est venu habiter chez moi, et je ne l’ai pas reconnu. La destinée m’avait, en ces derniers temps, octroyé la jouissance d’une femme qui était bien la plus douce, la plus soumise et la plus dévouée des créatures, et toujours prête ! et sans enthousiasme ! « Je le veux bien, puisque cela vous est agréable. » C’était sa réponse ordinaire. Vous donneriez la bastonnade à ce mur ou à ce canapé, que vous en tireriez plus de soupirs que n’en tiraient du sein de ma maîtresse les élans de l’amour le plus forcené. Après un an de vie commune, elle m’avoua qu’elle n’avait jamais connu le plaisir. Je me dégoûtai de ce duel inégal, et cette fille incomparable se maria. J’eus plus tard la fantaisie de la revoir, et elle me dit, en me montrant six beaux enfants : « Eh bien ! mon cher ami, l’épouse est encore aussi vierge que l’était votre maîtresse. » Rien n’était changé dans cette personne. Quelquefois je la regrette : j’aurais dû l’épouser. »

Les autres se mirent à rire, et un troisième dit à son tour :

« Messieurs, j’ai connu des jouissances que vous avez peut-être négligées. Je veux parier du comique dans l’amour, et d’un comique qui n’exclut pas l’admiration. J’ai plus admiré ma dernière maîtresse que vous n’avez pu, je crois, haïr ou aimer les vôtres. Et tout le monde l’admirait autant que moi. Quand nous entrions dans un restaurant, au bout de quelques minutes, chacun oubliait de manger pour la contempler. Les garçons eux-mêmes et la dame du comptoir ressentaient cette extase contagieuse jusqu’à oublier leurs devoirs. Bref, j’ai vécu quelque temps en tête-à-tête avec un phénomène vivant. Elle mangeait, mâchait, broyait, dévorait, engloutissait, mais avec l’air le plus léger et le plus insouciant du monde. Elle m’a tenu ainsi longtemps en extase. Elle avait une manière douce, rêveuse, anglaise et romanesque de dire : « J’ai faim ! » Et elle répétait ces mots jour et nuit en montrant les plus jolies dents du monde, qui vous eussent attendris et égayés à la fois. — J’aurais pu faire ma fortune en la montrant dans les foires comme monstre polyphage. Je la nourrissais bien ; et cependant elle m’a quitté… — Pour un fournisseur aux vivres, sans doute ? — Quelque chose d’approchant, une espèce d’employé dans l’intendance qui, par quelque tour de bâton à lui connu, fournit peut-être à cette pauvre enfant la ration de plusieurs soldats. C’est du moins ce que j’ai supposé.

— Moi, dit le quatrième, j’ai enduré des souffrances atroces par le contraire de ce qu’on reproche en général à l’égoïste femelle. Je vous trouve mal venus, trop fortunés mortels, à vous plaindre des imperfections de vos maîtresses ! »

Cela fut dit d’un ton fort sérieux, par un homme d’un aspect doux et posé, d’une physionomie presque cléricale, malheureusement illuminée par des yeux d’un gris clair, de ces yeux dont le regard dit : « Je veux ! » ou : « Il faut ! » ou bien : « Je ne pardonne jamais ! »

« Si, nerveux comme je vous connais, vous, G…, lâches et légers comme vous êtes, vous deux, K… et J…, vous aviez été accouplés à une certaine femme de ma connaissance, ou vous vous seriez enfuis, ou vous seriez morts. Moi, j’ai survécu, comme vous voyez. Figurez-vous une personne incapable de commettre une erreur de sentiment ou de calcul ; figurez-vous une sérénité désolante de caractère ; un dévouement sans comédie et sans emphase ; une douceur sans faiblesse ; une énergie sans violence. L’histoire de mon amour ressemble à un interminable voyage sur une surface pure et polie comme un miroir, vertigineusement monotone, qui aurait réfléchi tous mes sentiments et mes gestes avec l’exactitude ironique de ma propre conscience, de sorte que je ne pouvais pas me permettre un geste ou un sentiment déraisonnable sans apercevoir immédiatement le reproche muet de mon inséparable spectre. L’amour m’apparaissait comme une tutelle. Que de sottises elle m’a empêché de faire, que je regrette de n’avoir pas commises ! Que de dettes payées malgré moi ! Elle me privait de tous les bénéfices que j’aurais pu tirer de ma folie personnelle. Avec une froide et infranchissable règle, elle barrait tous mes caprices. Pour comble d’horreur, elle n’exigeait pas de reconnaissance, le danger passé. Combien de fois ne me suis-je pas retenu de lui sauter à la gorge, en lui criant : « Sois donc imparfaite, misérable ! afin que je puisse t’aimer sans malaise et sans colère ! » Pendant plusieurs années, je l’ai admirée, le cœur plein de haine. Enfin, ce n’est pas moi qui en suis mort !

— Ah ! firent les autres, elle est donc morte ?

— Oui ! cela ne pouvait continuer ainsi. L’amour était devenu pour moi un cauchemar accablant. Vaincre ou mourir, comme dit la Politique, telle était l’alternative que m’imposait la destinée ! Un soir, dans un bois… au bord d’une mare… après une mélancolique promenade où ses yeux, à elle, réfléchissaient la douceur du ciel, et où mon cœur, à moi, était crispé comme l’enfer…

— Quoi !

— Comment !

— Que voulez-vous dire ?

— C’était inévitable. J’ai trop le sentiment de l’équité pour battre, outrager ou congédier un serviteur irréprochable. Mais il fallait accorder ce sentiment avec l’horreur que cet être m’inspirait ; me débarrasser de cet être sans lui manquer de respect. Que vouliez-vous que je fisse d’elle, puisqu’elle était parfaite ? »

Les trois autres compagnons regardèrent celui-ci avec un regard vague et légèrement hébété, comme feignant de ne pas comprendre et comme avouant implicitement qu’ils ne se sentaient pas, quant à eux, capables d’une action aussi rigoureuse, quoique suffisamment expliquée d’ailleurs.

Ensuite on fit apporter de nouvelles bouteilles, pour tuer le Temps qui a la vie si dure, et accélérer la vie qui coule si lentement.
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LES PETITES VIEILLES
À Victor Hugo.


                  II
De Frascati défunt Vestale enamourée ;
Prêtresse de Thalie, hélas ! dont le souffleur
Enterré sait le nom ; célèbre évaporée
Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur,

Toutes m'enivrent ; mais parmi ces êtres frêles
Il en est qui, faisant de la douleur un miel
Ont dit au Dévouement qui leur prêtait ses ailes :
Hippogriffe puissant, mène-moi jusqu'au ciel !

L'une, par sa patrie au malheur exercée,
L'autre, que son époux surchargea de douleurs,
L'autre, par son enfant Madone transpercée,
Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs !

p.86
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Il y a des femmes qui inspirent l’envie de les vaincre et de jouir d’elles ; mais celle-ci donne le désir de mourir lentement sous son regard.
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A une Malabaraise

Tes pieds sont aussi fins que tes mains, et ta hanche
Est Large à faire envie à la plus belle blanche ;
A l'artiste pensif ton corps est doux et cher ;
Tes grands yeux de velours sont plus noirs que ta chair.

Aux pays chauds et bleus où ton Dieu t'a fait naître,
Ta tâche est d'allumer la pipe de ton maître,
De pourvoir les flacons d'eaux fraîches et d'odeurs,
De chasser loin du lit les moustiques rôdeurs,
Et, dès que le matin fait chanter les platanes,
D'acheter au bazar ananas et bananes.
Tout le jour, où tu veux, tu mènes tes pieds nus
Et fredonnes tout bas de vieux airs inconnus ;
Et quand descend le soir au manteau d'écarlate,
Tu poses doucement ton corps sur une natte,
Où tes rêves flottants sont pleins de colibris,
Et toujours, comme toi, gracieux et fleuris.

Pourquoi, l'heureuse enfant, veux-tu voir notre France,
Ce pays trop peuplé que fauche la souffrance,
Et, confiant ta vie aux bras forts des marins,
Faire de grands adieux à tes chers tamarins ?
Toi, vêtue à moitié de mousselines frêles,
Frissonnante là-bas sous la neige et les grêles,
Comme tu pleurerais tes loisirs doux et francs,
Si, le corset brutal emprisonnant tes flancs,
Il te fallait glaner ton souper dans nos fanges
Et vendre le parfum de tes charmes étranges,
L'oeil pensif, et suivant, dans nos sales brouillards,
Des cocotiers absents les fantômes épars !
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L'Étranger

- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
- Tes amis?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle?
- L'or?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas...
les merveilleux nuages!
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Fusées

J'ai cultivé mon hystérie avec jouissance et terreur. Aujourd'hui 23 janvier 1862, j'ai subi un singulier avertissement, j'ai senti passer sur moi le vent de l'aile de l'imbécillité.
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Quant à moi, si j'avais un beau parc planté d'ifs

Quant à moi, si j'avais un beau parc planté d'ifs,
Si, pour mettre à l'abri mon bonheur dans l'orage,
J'avais comme ce riche, un parc au vaste ombrage,
Dédale s'égarant sous de sombres massifs;

Si j'avais des bosquets, ô rossignols craintifs,
O cygnes, vos bassins, votre sentier sauvage,
Vers luisants qui, le soir étoilez le feuillage;
Vos prés au grand soleil, petits grillons plaintifs;

Je sais qui je voudrais cacher sous mes feuillées,
Avec qui secouer dans les herbes mouillées
Les perles que la nuit y verse de ses doigts,

Avec qui respirer les odeurs des rivières,
Ou dormir à midi dans les chaudes clairières,
Et tu le sais aussi, belle aux yeux trop adroits.
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L'albatros

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime en boitant, l'infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
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