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Critique de gerardmuller


Vipère au poing
Hervé Bazin(1911-1996)
Aux confins du Maine, de la Bretagne et de l'Anjou, en pays craonnais paradis de la bécassine et du lapin, terre des choux, des chouans, des chouettes et des choucas, le petit Jean court la campagne tour à tour étouffant une vipère ou fouillant les halliers en quête d'oeufs d'effarvatte.
Jean, le narrateur, appartient à la famille Rezeau, une grande famille du pays. Il se souvient…l'histoire commence en 1922 au domaine de la Belle Angerie, alors que la fratrie a été confiée à la grand mère, les parents voyageant en Chine où Jacques Rezeau, le père, docteur en droit, professeur à l'Université marié en 1913 à Paule Pluvignec, riche héritière en puissance, petite - fille de banquier et fille de sénateur, richement dotée, - enseigne le droit international à Shangaï.
Ferdinand surnommé Frédie ou Chiffe, est l'aîné, Jean est le cadet surnommé Brasse-Bouillon, et Marcel surnommé Cropette est le petit dernier. Seul Marcel est en Chine avec ses parents, où il est né. Et Jean se remémore : « Ainsi séparés, nous vivions un bonheur provisoire, entrecoupé de privations de dessert, de fessées et de grands élans mystiques. » Mais sans gravité par rapport à ce qui allait survenir. Hélas grand-mère mourut et la mère revint à la Belle Angerie ainsi que le père et c'est alors que le récit de Jean devient drame…
Parlant de sa mère, Jean de dire : « Dès qu'elle ouvre la bouche, j'ai l'impression de recevoir un coup de pied au cul. Ce n'est pas étonnant, avec ce menton en galoche. » Et cette mère va réorganiser la vie des trois galopins à sa façon, une façon absolument tyrannique avec l'aide du très soumis père Trubel revenu au pays après un rappel de sa hiérarchie le soupçonnant d'une évangélisation un peu trop poussée auprès des Négresses d'Afrique ! Alphonsine surnommée Fine est là, sourde et muette, au service de la famille depuis plus de 30 ans, soumise elle aussi mais n'en pensant pas moins du règlement draconien mis en place par Folcoche, le surnom vite trouvé par les frères pour cette Folle et Cochonne de mère qui a manqué sa vocation de surveillante pour centrale de femmes. Dans son application des décrets prétoriens imaginés par ses soins, la gueuse de mère comme dit Jean est aidée du délateur Cropette, complètement vassalisé à coup de nonettes.
Les enfants détestent leur mère cette marâtre odieuse, violente et calculatrice et se donnent la main pour une ronde infernale en braillant à qui mieux mieux sur l'air des lampions : « Folcoche va crever, Folcoche va crever… » M. Rezeau, le père, empaleur de mouches féru d'entomologie et de généalogie, n'a aucune illusion et pour lui sa femme sera toujours un peu châtaigne sous bogue même quand la maladie la cloue au lit. Pour éviter tout affrontement il parcourt en solitaire la campagne où des myriades de mouches bourdonnent sur les laiches et les cardamines, pour son plus grand plaisir.
Jean un beau jour, après avoir longuement réfléchi en haut du taxaudier, son arbre fétiche symbole de son indépendance et ne pouvant plus supporter d'être martyrisé par Folcoche avec la permission, la complaisance et la bénédiction du père, - décide de fuguer à Paris chez le grand père Pluvignec, sénateur en activité. le retour au bercail, s'il n'est pas triomphal n'en amorce pas moins un virage certain dans les relations parentales.
Jean a grandi et répondant à l'éveil du désir découvre le corps de Madeleine, la petite voisine délurée, tout en continuant à mener une guerre sans merci contre la tyrannie maternelle. Plus tard, il réalise qu'à cause de sa mère, parangon de la méchanceté, il ne croit plus à rien, ni à personne et écrit : « Cette vipère, ma vipère, dûment étranglée, mais partout renaissante, je la brandis encore et je la brandirai toujours…Je m'avance dans la vie avec ce trophée, faisant le vide autour de moi. Merci ma mère ! Je suis celui qui marche une vipère au poing. »
C'est un roman inoubliable, traitant de la maltraitance jusqu'à la haine réciproque, d'une violence inouïe, lu et relu, largement autobiographique, au style admirable teinté d'humour pour un sujet terrible, loin de la douceur angevine. C'est sans doute le roman le plus célèbre d'Hervé Bazin. Un film a été tourné avec Catherine Frot dans le rôle de Folcoche.
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