Citations sur Les femmes et le pouvoir : Un manifeste (9)
Par définition, dans la plupart des circonstances, une femme parlant en public n'était pas une femme.
Or, pour citer un adage romain bien connu, le citoyen mâle de l'élite pouvait être décrit comme vir bonus dicendi peritus, "un homme de bien qui sait parler". Par définition, dans la plupart des circonstances, une femme parlant en public n'était pas une femme.
Il n'est pas aisé d'adapter les femmes à une structure que l'on a par avance bâtie sur des codes masculins ; c'est la structure qu'il faut changer. Cela suppose de penser autrement le pouvoir. Cela suppose de le dissocier du prestige public. Cela suppose de réfléchir en commun au pouvoir de ceux qui suivent, et pas seulement de ceux qui dirigent. Cela suppose surtout de penser le pouvoir en tant qu'attribut, ou même en tant que verbe (au sens de "conférer du pouvoir"), et non en tant que possession. Ce que j'ai à l'esprit, c'est l'aptitude à être efficaces, à pouvoir changer le monde, et le droit d'être prises au sérieux, ensemble aussi bien qu'individuellement. C'est de ce pouvoir-là que beaucoup de femmes se sentent dépourvues - c'est de lui qu'elles veulent se saisir.
Une bonne Amazone est une Amazone morte ou (…) une Amazone qui, dans la chambre, a été dominée; et l’enseignement à en tirer, que le devoir des hommes est de sauver la civilisation de la domination des femmes.
Dans tous les cas, les métaphores communes dont nous usons pour représenter l’accès des femmes au pouvoir – « elles frappent à la porte », « elles se jettent à l’assaut de la citadelle », « elles brisent le plafond de verre » ou « on leur fait la courte échelle » – soulignent le fait que la féminité serait par nature extérieure au pouvoir. Les femmes accèdent au pouvoir soit parce qu’elles ont mis à bas des barrières, soit parce qu’elles se sont emparées de quelque chose à quoi elles n’avaient pas vraiment droit.
Le discours public et l'art oratoire n'étaient pas seulement de ces choses auxquelles les femmes ne se livraient pas : ils relevaient de pratiques et d'aptitudes exclusives définissant la masculinité en tant que genre. Nous l'avons vu avec Télémaque, devenir un homme (du moins un homme de l'élite) supposait de revendiquer son droit à la parole. Le discours public était un attribut déterminant - si ce n'est l'attribut déterminant - de la virilité. Or, pour citer un adage romain bien connu, le citoyen mâle de l'élite pouvait être décrit comme vir bonus dicendi peritus, "un homme de bien qui sait parler". Par définition, dans la plupart des circonstances, une femme parlant en public n'était pas une femme.
Autant que je puisse en juger au vu d'une recherche rapide sur Google, dans ce pays le seul autre groupe d'individus auquel on reproche de pleurnicher autant que les femmes est celui des managers de clubs de football de première division après une série de défaites.
Plus je me penche sur les menaces et les insultes auxquelles ont affaire les femmes, plus elles me paraissent correspondre aux vieux modèles dont j'ai parlé. Pour commencer, du moment que vous vous aventurez dans le domaine traditionnel des mâles, peu importe le point de vue que vous exprimez en tant que femme, l'injure viendra de toute façon. Ce n'est pas ce que vous dites qui la déclenche, c'est simplement le fait que le propos vient de vous.
Le modèle mental et culturel sur le fond duquel le pouvoir d'un individu nous apparaît demeure résolument masculin. Si nous fermons les yeux en essayant de faire surgir en nous l'image d'un président ou - pour parler de l'économie de la connaissance - d'un professeur, ce que nous voyons, pour la plupart d'entre nous, n'est pas une femme.