La Pucelle était morte avant d'avoir eu vingt ans, laissant une mission inachevée et des partisans abasourdis. Certes, les Anglais avaient pris bien des précautions pour prouver sa mort : une exécution publique, un corps exhibé et des cendres jetées à la Seine pour éviter sorcellerie. Mais ces précautions même les desservirent. Il n'y eut ni cadavre ni tombeau. Jeanne semblait s'être évanouie dans le néant. Reviendrait-elle ? Bien d'autres, morts dans des circonstances tragiques, avaient suscité l'attente et l'espoir d'un retour. César, Charlemagne, Arthur et le Christ lui-même reviendraient.
Jeanne fut bergère non parce qu'elle l'était ou par référence à sa naissance théorique le jour de l'Épiphanie (le 5 janvier, les bergers et les rois adorent et reconnaissent l'enfant dans la crèche), elle fut bergère parce qu'il était nécessaire qu'elle le soit.
(...)
Qualifier Jeanne de bergère, c'était, en ce premier sens, la reconnaître humble, innocente, apte à entendre la voix de Dieu, et peut-être à conduire vers des temps qui marqueraient le retour de la justice et de l'abondance après les épreuves. Et si Jeanne était bergère, son roi devenait pasteur.
La fonction prophétique et un imaginaire commun relient Marie Robine à Jeanne ou à la Pucelle du Mans. La seule différence - mais elle est d'importance - est que Jeanne voulut mettre en oeuvre elle-même le message, là où les autres confiaient au prince qu'elles venaient avertir la mission de le réaliser.