C'est la Chronique dite de Jean de Venette qui a popularisé
le Grand Ferré et qui l'a donné en exemple pour sa résistance à "l'envahisseur" anglais tandis que Jean II le Bon était captif d'Édouard III et que le futur
Charles V le Sage, alors Dauphin et Régent, gouvernait à Paris.
Ce morceau de bravoure, vanté à l'envie sous la IIIe République,
Colette Beaune, auteure de célèbres ouvrages sur
Jeanne d'Arc et sur la
Naissance de la nation France, ne pouvait pas l'ignorer.
Il se situe chronologiquement, c'est vraisemblable, quelque part entre 1359 et 1360.
Nous sommes dans le temps qui suit la réduction de la révolte des Jacques et la mort d'Étienne Marcel (1358). le Dauphin a repris Paris et la capitale est cernée de loin par un certain nombre de chefs de routiers qui sont plus ou moins à la solde du roi Charles de Navarre. Parmi ces mercenaires, quelques-uns sont d'origine anglaise, et c'est le cas de John Foderynghay ou Fotheringay (Foudringais pour les Français) qui, tenant la place de Creil, dans l'Oise, écume les environs.
Il terrorise les populations paysannes, qui finissent par s'organiser pour lui résister. Ses hommes trouvent bientôt des interlocuteurs moins dociles et l'un d'eux est Guillaume L'Aloue (autrement dit l'Alouette). Mais les Anglais se vengent et, saisissant L'Aloue au saut de sa couche, le tue. C'est alors que se dresse un "géant", un colosse,
le Grand Ferré, venu de Rivecourt, et qui, maniant sa hache, fera voler les salades, ces casques utilisés par de nombreux fantassins anglais, ainsi que les têtes que ces couvre-chefs métalliques étaient censés protéger.
Les Anglais prendront peur et nul n'osera plus approcher
le Grand Ferré qui mourra bêtement après avoir absorbé de l'eau glacée, malgré les mises en garde de sa compagne.
Le Grand Ferré avait choisi un combat noble en luttant pour l'honneur et le droit de vivre dignement de son travail et parmi ses compagnons paysans. C'est un exemple de juste révolte. Un peu grossi afin de provoquer l'admiration des foules, heureuse d'avoir trouvé avec lui un véritable héros populaire.
Qui mieux que
Colette Beaune pouvait reprendre et discuter cette légende ?
François Sarindar, auteur de
Charles V le Sage, Dauphin, duc et régent (2019)