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Critique de murmur


Elle, elle obtient enfin le travail adapté à ses compétences qui lui permet d'accéder à la suprême récompense sociale : l'accès à la propriété. Son emploi consiste à licencier le plus ancien employé de l'entreprise qui vend pourtant avec profit des produits jugés ringards : des papiers peints. Cela fait elle pourra obtenir la consécration professionnelle.
Lui, cet employé, il vit une existence entièrement vouée à son travail de vrp sur les routes de l'Est de la France, non loin de Charleroi. Il a réussi mais sa vie privée est un échec : sa femme "est partie en goguette".
Tous deux vivent repliés dans leur "île déserte" qu'est le travail et leur vie privée est entourée de murailles, isolée de toute présence humaine sauf exceptions.
Elle n'a que l'espoir d'une ascension sociale qu'elle veut offrir à son père disparu. Mais elle ne se méfie pas de la mise en garde d'Hannah Arendt dont l'ouvrage La condition de l'homme moderne traine sur son étagère qui dit "ce que l'homme produit, l'homme le détruit et aucun objet d'usage n'est absolument nécessaire". Elle se demande à quoi peut alors servir le travail mais continue...
Lui il refuse de vendre des canapés pour une bonne raison et s'isole dans ses identiques trajets et ses gestes répétés lors des soirées d'étape mais il survit à cette monotonie grâce à Rimbaud qui l'accompagne partout.
Qu'est-ce qui pourra rompre l'absurdité de leur vie ?

Le sympathique jeu de mots du titre : île déserte ou ils désertent est la clef qui sont "ils"? On ne le comprend qu'à la fin : une bonne leçon d'optimisme.
le lecteur peut éprouver un malaise devant l'absurdité de ces destins car il est pris à partie par l'énonciation à la deuxième personne, symbole de la modernité littéraire.Mais ne nous en tenons pas au simple effet. Il est plus enthousiasmant que l'ordre hiérarchique est bouleversé : le vous pour l'employé et le tu pour la DRH.
de belles peintures embellissent les univers anxiogènes des personnages mais la couleur annoncée de manière récurrente tout au long du texte peut être de mauvais goût ou dictatoriale (les chemisettes du chef ou les enseignes des zones commerciales. La monochromie (encore un symbole de modernité). Cela me fait penser au film de Tati Play Back . Et la réhabilitation des papiers peints à motifs symbole d'un monde perdu est amusante.
Pour rendre hommage à la beauté qui nous entoure, rien de tel que les mots : dans la plus belle scène du roman (chap 25) "l'ancêtre" résiste à la laideur ambiante par des vers de Rimbaud qu'on aimerait entendre de sa voix qui doit être sublime (description p 46-47)
Pourtant la poésie n'est qu'un refuge et peut rendre le monde irréel. La solution est donnée par Hannah : sublime fin et résurrection de la culture dans un monde trop speed. J'adore!

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