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Critique de cecileterrestria


J'ai envie de commencer par vous parler de ce roman en mettant en avant qu'un des trois protagonistes principaux est une jeune fille handicapée. Combien de héros de roman sont en chaise roulante et mettent en avant la difficulté quotidienne d'évoluer dans un monde de valides ? Peu n'est-ce-pas ? Et bien c'est vraiment l'un des éléments que j'ai adoré, élément complété par la présence d'un chien d'assistance qui a toute sa place dans l'intrigue et une vraie personnalité. C'est, à mon sens, un des gros atouts de ce roman.

Revenons à l'univers du livre. Dans une petite ville portuaire anglaise, on accompagne Emma qui retourne sur les lieux de son accident pour aller voir sa grand-mère malade. Cette dernière est propriétaire d'un hôtel, le Waterwitch, construit avec le bois d'un navire dit maudit. Dès le début, on comprend que le noeud de l'intrigue c'est cette auberge mais ce qui est brillant c'est que l'autrice prend le parti de proposer principalement des personnages sceptiques qui cherchent absolument une explication logique aux phénomènes. Inconsciemment, plus les héros cherchent la logique, plus le lecteur comprend que l'explication n'est pas là. Avec une écriture métaphorique très sensorielle, l'autrice dresse un univers froid, moite, brumeux, inquiétant, angoissant et qui ne fait qu'aller crescendo jusqu'à la fin. Les descriptions très visuelles nous plongent irrémédiablement dans une univers marin étouffant, sombre, celui de tous les cauchemars où finalement les fantômes des marins semblent presque sympathiques.

La plume de l'autrice est fine et joue énormément sur les peurs enfantines qui peuvent devenir de vraies phobies d'adultes, le champ lexical de la mer et de la navigation est donc bien sûr extrêmement présent mais, on s'y attendrait moins, celui des créatures rampantes et des insectes est utilisé en fil rouge également, ce qui, in fine, fait un combo très efficace. On sent que l'autrice a vraiment travailler ses métaphores filées et ses descriptions pour planter le cadre et installer une ambiance délétère et cauchemardesque qui joue sur les peurs viscérales.

Une autre qualité de ce roman réside dans les fausses pistes qui sont disséminées de droite et de gauche, cela peut paraître anodin dit comme ça mais c'est un des éléments qui rend une narration addictive et prenante, le lecteur veut savoir, il se projette pour essayer de comprendre et d'anticiper ce qui va arriver, notamment dans le cadre d'un terreur ou inconsciemment pour avoir moins peur et être moins surpris on a tendance à vouloir prévoir le prochain sursaut.

Les protagonistes principaux sont intéressants parce qu'ils amènent des problématiques périphériques telles que la maltraitance infantile, le handicape, la folie et la différence. Autant de thématiques prenantes qui font inévitablement entrer en empathie avec les héros du roman, résilients sans être des « super-héros », ils avancent inexorablement dans la vie comme ils peuvent, avec peu de moyens et seulement leur volonté pour essayer de s'en sortir et de surpasser les épreuves de leur vie, ils sont vulnérables et terriblement attachants.
Comme dans tout bon roman/film d'horreur ou de terreur, la maison est personnalisée, en dehors des êtres qui la hantent, elle bouge, change, évolue, respire et bouge ce qui ne fait bien sûr qu'accentuer l'effet d'étouffement et de danger imminent.

Voilà de nombreux éléments qui, pris séparément, paraissent logiques dans la construction d'un roman mais ce n'est pas si souvent le cas qu'ils sont utilisés ensemble et encore moins quand ils le sont avec naturel et, ici, ce cocktail est un pure réussite selon moi. J'ai lu ce roman d'une traite, il y avait longtemps que ça ne m'était pas arrivé, j'ai sursauté quand j'entendais un craquement ou que l'un de mes chats arrivait trop discrètement.

Bon, à ce stade de ma chronique, je crois que vous aurez compris que j'ai passé un excellent moment de lecture et que j'ai vraiment beaucoup aimé ce roman, mais ce n'est pas parce qu'on a adoré qu'il faut oublier de dire ce qui a moins plus.
La fin, c'est mon gros bémol, un peu trop facile en reprenant un schéma vu et revu, trop rapide, trop abrupte, elle ne clôture pas un des personnages les plus importants de l'intrigue, elle néglige d'expliquer des éléments importants (le rire ? Que deviennent les habitants de l'hôtel ? Emma ? le lien Emma/Jem ?)… Elle tranche comme un hachoir l'histoire qu'on a suivi avec une certaine frénésie, j'ai été un peu déçue…

L'autre bémol réside dans le traitement ésotérique du roman, là vous me pardonnerez, je l'espère, je vais chausser deux minutes ma casquette de professionnelle mais, si la partie chasse aux sorcières est bien documentée, il y a un manque flagrant côté ésotérisme moderne, les bâtons d'encens à la myrrhe m'ont bien fait rire par exemple. Vous me direz ça passe crème pour ceux qui ne connaissent pas mais, quand on s'est si bien documenté sur la chasse aux sorcière et le monde maritime, c'est vraiment dommage de tomber dans le folklorisme ésotérique le plus flagrant, et oui, le diable est dans les détails…

En conclusion, nous avons ici un roman terreur de très bonne qualité porté par une écriture maîtrisée très sensorielle. Il a la grande qualité d'aborder des thématiques trop rares en littérature comme le handicape, c'est vraiment très appréciable. Malgré une fin trop rapide et qui cède quelque peu aux facilités, ce roman est une invitation au cauchemar qui ne se refuse pas quand on aime les sorcières et les bateaux fantômes.
Transi dans la brume épaisse et les embruns poisseux, le lecteur frémi à la moindre ombre qui passe, et craint de finir englouti dans les eaux ténébreuses d'une mer ampli de créatures aux dents acérées toutes plus terrifiantes les unes que les autres. Une réussite pour ce terreur qu'il serait dommage de ne réserver qu'aux adolescents… Je ne peux que le recommander vivement !
Lien : https://labougiedevinayaka.w..
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