L'exercice de la vie de l'esprit me semble conduire nécessairement à l'universalisme, au sens de l'éternel, à peu de rigueur dans la croyances au fictions terrestres.
"Pourquoi prendre vis-à-vis des autres pays ce ton si tranchant dans des matières comme les lettres où on ne règne que par la persuasion ?"
Marcel Proust
La paix, faut-il le redire après tant d'autres, n'est possible que si l'homme cesse de mettre so bonheur dans la possession des biens "qui ne se partagent pas", et s'il s'élève à l'adoption d'un principe abstrait et supérieur à ses égoïsmes ; en d'autres termes, elle ne peut être obtenue que par une amélioration de sa moralité.
Ajoutons que, si l'expérience croyait prouver la faillite de la raison telle que nous l'exerçons elle le ferait en l'employant et ruinerait du coup toute sa preuve. La raison, dit profondément Renouvier, ne prouvera jamais par la raison que la raison est juste. Elle ne prouvera pas davantage qu'elle est fausse.
Une pensée qui relève de la raison [...] est, a-t-on dit excellemment, une pensée qui "doit pouvoir être réfutée", c'est-à-dire qui présente une position définissable, ce que les avocats appellent une "base de discussion".
Je tiens à préciser que je n'attaque pas le clerc qui adhère au mouvement communiste si j'envisage ce mouvement dans sa fin, qui est l'émancipation du travailleur ; cette fin est un état de justice et le clerc est pleinement dans son rôle en la souhaitant. Je l'attaque parce qu'il glorifie les moyens que le mouvement emploie pour atteindre à cette fin ; moyens de violence, qui ne peut être que de violence, mais que le clerc doit accepter avec tristesse et non avec enthousiasme, quand ce n'est pas avec religion. Je l'en attaque d'autant plus que souvent il exalte ces moyens, non pas en raison de leur fin, mais en eux-mêmes, par exemple la suppression de la liberté, le mépris de la vérité ; en quoi il adopte alors un système de valeurs identique à celui de l'anticlerc.
Ce dogme selon lequel l'histoire obéit à des lois scientifiques est surtout prêché par des partisans de l'autorité, chose naturelle puisqu'il élimine les deux réalités qu'ils ont le plus en horreur: la liberté humaine et l'action historique de l'individu. (p.320).
La civilisation telle que je l'entends ici - la primauté morale conférée au culte du spirituel et au sentiment de l'universel - m'apparaît dans le développement de l'homme, comme un accident heureux. (p.288-289).
La civilisation ne nous semble possible que si l'humanité observe une division des fonctions; que si, à côté de ceux qui exercent des passions laïques et exaltent les vertus propres à les servir, il existe une classe d'hommes qui rabaissent ces passions et glorifie des biens qui passent le temporel. (p.244).
Le moraliste est par essence un utopiste et le propre de l'action morale est précisément de créer son objet en l'affirmant. (p.230).