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Critique de PatrickCasimir


C'est grâce à Pascal Engel et à son livre Les vices du savoir, que j'ai fait la connaissance de Julien Benda, philosophe de la 1ère moitié du 20ème siècle.
La trahison des clercs est son oeuvre essentielle, celle par laquelle il fustige les intellectuels de son époque qu'il accuse d'avoir oublié leur mission qui doit être la quête désintéressée des valeurs éternelles, universelles, à savoir la Justice, la vérité, les nourritures de l'esprit exclusives de tout utilitarisme, de toute intérêt pratique, de toute passion politique, de tout attachement au bien temporel, au réel.
Seuls doivent compter au yeux du clerc les biens spirituels - ce qui renvoie à la citation biblique bien connue : Mon royaume n'est pas de ce monde.

Que penser d'une telle doctrine ? Peut-on reprocher aux intellectuels de s'engager ? de condescendre à descendre dans l'arène politique, dans l'arène sociétale et de prendre part, ainsi, à l'agitation d'une époque, d'être en quelque sorte un des moteurs de transformation sociale et politique ?

Je me demande, même, si l'opposition que crée le philosophe entre la spéculation intellectuelle pure et désintéressée et l'engagement pratique, les deux s'excluant chez un clerc, est crédible.
D'abord, à moins de s'isoler du monde à la manière d'un anachorète, comment un clerc pourrait-il ne pas voir, se montrer indifférent à la condition humaine, sous le prétexte que son esprit fréquente le divin et qu'il appartient aux laïcs de s'occuper de la réalité, du temporel ?

Certes, à l'époque de ses écrits, Benda avait sous les yeux, le spectacle déprimant d'intellectuels dont l'engagement politique marquait la préférence pour un certain culte de la force, de l'antidémocratisme, pour un certain mépris de la faiblesse, pour un nationalisme s'exacerbant dans un climat de forte tension (une guerre s'achevait et une autre se préparait).

Mais quand il nous donne comme modèle les spéculations intellectuelles athéniennes (le modèle grec a toujours séduit), il oublie de mentionner que les philosophes grecs pouvaient toujours spéculer sur les choses de l'esprit quand ils avaient à leur service des esclaves pour faire fonctionner la société, ou des jeunes éphèbes entre les cuisses pour apaiser leurs tensions intellectuelles, à l'occasion de leur banquet, l'autre mot pour désigner leur beuverie... Rompons là et revenons à aujourd'hui.

Les intellectuels ne peuvent demeurer dans une tour d'ivoire. Leur honneur est de promouvoir la raison en toute circonstance, tant du point de point pratique que spéculatif. Et de nos jours, il me semble que nombre d'entre eux, pensent l'universel, pensent au-delà des frontières de concert avec les politiques ou contre les politiques dont ils n'hésitent pas à dénoncer les errements.

J'ai lu quelque part que Benda était devenu inaudible, qu'aurait-il pensé, aujourd'hui de l'engagement des clercs en faveur du climat, contre les méfaits de la mondialisation, se serait-il indigné, comme invitait à le faire le grand clerc que fut S. Hessel ?

Pat


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