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Critique de Lamifranz


Dans les années 30, les nations d'Europe (et du monde) étaient labourées par des idéologies d'extrême-droite prônant le racisme, l'antisémitisme, le nationalisme, le retour à une grandeur passée basée sur l'ordre, le dirigisme, l'autorité… Bon, tout ça, on le sait (et on le sait toujours, sans avoir compris les leçons de deux guerres mondiales et des centaines de guerres diverses qui ont ravagé et ravagent encore notre pauvre Terre). Dans les années 30, donc, cette idéologie faisait son chemin : les intellectuels, écrivains, penseurs, artistes, étaient concernés au premier chef (si vous voyez le deuxième chef faites-moi signe !) : certains sont résolument contre, d'autres résolument pour, et beaucoup, en vertu d'une tradition de droite passéiste et trompeuse, se rapprochent avec une inconsciente naïveté (ou pas, d'ailleurs) de ces dangereux écueils.
Pierre Benoit fait partie de ces écrivains de droite, colonialistes (mais c'est dans l'air du temps) et porteurs de valeurs non pas éculées (honneur, patrie, morale…) mais dévoyées par un courant d'idées qui, bien que brandies en porte-drapeau, sont constamment déniées par les actes.
« Monsieur de la Ferté », sort en 1934, année noire pour la démocratie, et parle de la guerre. (Deux ans plus tôt, un certain Céline avait écrit « Voyage au bout de la nuit »).
Il s'agit bien de la guerre de 14, mais pas celle du continent européen, celle des tranchées. Non, ici nous sommes en Afrique noire, au Cameroun. Vous avez peut-être vu ce beau film de Jean-Jacques Annaud, « La Victoire en chantant » (retitré « Noirs et blancs en couleurs »), qui racontait la guerre entre Français et Allemands, en Afrique Equatoriale. Eh bien le cadre tant géographique qu'historique est le même.
Monsieur de la Ferté, un officier français, et Angel von Wernert, un officier allemand, se font la guerre, par bataillons indigènes interposés. Cette guerre imbécile (à supposer qu'une guerre soit intelligente) qui devrait les opposer, va les rapprocher.
Finalement, de la part de Pierre Benoit, écrire un tel livre, sur un tel sujet, et à une telle époque, a quelque chose de courageux : une amitié entre un Français et un Allemand, surtout dans le milieu qu'il fréquente, n'est pas chose banale. Mais Pierre Benoit n'est pas un écrivain banal : ce n'est pas la première fois qu'il met un bémol à ses convictions : il n'est pas spécialement belliciste, quand il parle de la guerre, s'il ne la dénigre pas directement, il en souligne les éléments nocifs, et met en évidence les dommages collatéraux sur les hommes qui la font (et tout ce qu'il y a autour) et les consciences. Il sait également s'apitoyer sur le sort des populations indigènes. Pierre Benoit est un humaniste.
Et puis, il reste un merveilleux écrivain : qu'il nous promène des landes du Bordelais et de Dordogne aux confins du monde, il reste ce magicien d'écriture que nous connaissons : style fluide et agréable à la lecture, aptitude à capter notre attention dans un aventure souvent exotique et romanesque, le top de la littérature d'évasion.
Une particularité dans ce roman : exit la jeune femme mystérieuse et dangereuse dons le prénom commence par un A. Ici c'est l'officier allemand, Angel von Wernert, qui joue ce rôle. Ce n'est pas tout-à-fait un hasard, son attitude est ambiguë, son homosexualité à peine masquée. Monsieur de la Ferté, est beaucoup plus clair sur ce plan-là, mais cette amitié qui se crée entre les deux hommes, n'est pas sans rappeler celle qui reliait sa lointaine et vague parente Mademoiselle de la Ferté avec Galswinthe de Saint-Selve.
Encore un sujet épineux que Pierre Benoit aborde avec un certain courage.
Du bout des doigts.
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