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Critique de hiphop-deluxe


Rachid Benzine: Balzac et la petite mère

« Ce Roman est une pépite. Jamais larmoyant, toujours facétieux, c'est en écrivain que Rachid Benzine transcende le genre mille fois rebattu et toujours renouvelé de l'ode romanesque à la mère. »


Un dimanche pluvieux dans la banlieue de Bruxelles, une maman marocaine et son fils se rendent à la Maison de la littérature, où doit être remis le premier prix d'un concours de nouvelles que l'adolescent de 14 ans vient de remporter. Mère et fils sont passés chez le coiffeur, ont revêtu leurs plus beaux habits. Problème. le bus ne dessert pas l'adresse. Et les derniers kilomètres s'effectuent à pied sous l'averse dans les rues désertes. Cheveux dégoulinants et vêtements trempés, l'enfant reçoit son prix mollement applaudi par une assemblée éparse. La mère n'osant dire un mot, de peur de faire honte à son fils. le retour sous des trombes d'eau n'est pas plus glorieux. Mais Rachid Benzine garde de cet épisode un souvenir ému. «Sans doute, cette journée aura marqué à jamais mon existence. Par ses péripéties. Par l'amour de ma mère. Par ce moment où nous avons entonné à tue-tête Toute la pluie tombe sur moi de Sacha Distel... comme pour conjurer le mauvais sort.» Par le cadeau reçu du jury, aussi. Car les tomes VI, VII et VIII de la Comédie humaine ont sans doute présagé ce qui advint plus tard entre les deux héros dominicaux.

Petite bergère immigrée en Belgique au début des années 1950, la maman, qui fut femme de ménage et trima toute sa vie pour élever ses enfants sans savoir lire ni écrire, s'est entichée jusqu'à l'obsession de la Peau de chagrinDe Balzac. Elle exige de son cadet qu'il le lui lise et relise à haute voix sans jamais en passer une ligne. Chaque passage prétexte à des batailles d'interprétation à n'en plus finir. Lui, fort de sa position «dominante» de professeur de lettres à l'université. Elle, avec «sa vision personnelle mais très affûtée des relations et de la psychologie humaine». Métamorphosé par cette lecture De Balzac, sa plume ciselée, libre et vraie dans les moindres interstices, et son statut d'intellectuel en permanence remis en cause au regard de cette femme à laquelle il sacrifie quelques années de sa vie d'homme en s'installant chez elle, l'islamologue et chercheur associé au Fonds Ricoeur, livre une pépite. Jamais larmoyant, toujours facétieux, c'est en écrivain que Rachid Benzine transcende le genre mille fois rebattu et toujours renouvelé de l'ode romanesque à la mère.

«Ainsi parlait ma mère», de Rachid Benzine, Seuil, 91 p., 13 €.





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