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Critique de Eric75


Devant un terrain où paissent des vaches, une voiture est arrêtée au bord d'un chemin de terre, les vitres sont couvertes de buée. Visiblement, un couple vient de passer la nuit à l'intérieur. L'homme est allé chercher des cafés dans une station service et sa compagne est peu loquace. Natacha doit se rendre à Millau pour un mystérieux rendez-vous, dont elle est la seule à connaître la teneur. Henri, désoeuvré et paumé, vient de perdre son emploi aux chantiers navals de Saint-Nazaire, il a décidé d'aider Natacha sans trop savoir où cette aventure va le mener.
Henri va peu à peu découvrir qui est réellement Natacha, lorsque des terroristes basques de l'ETA et un groupe de mafiosi mêlé à un trafic de drogue vont se mettre en travers de leur route et commencer à tirer dans tous les coins.
Cet album est le second volet d'un diptyque, Sud faisant suite à Ouest. le titre « Dos à la mer » peut se comprendre de deux façons car à deux reprises, Henri montre sa préférence pour le plancher des vaches. Henri, qui travaille comme soudeur aux chantiers de l'Atlantique, n'a jamais assisté au départ des navires qu'il a construit : « Je vais pas aux lancements. Jamais. Je les regarde pas partir. » (page 14). le périple d'Henri et de Natacha (qui s'appelle désormais Christine) se termine à Marseille ; seule la jeune femme embarquera pour l'Afrique : « – Vous êtes sûr de ne pas vouloir embarquer ? … – C'est votre départ, moi, je viens d'arriver. C'était déjà un long voyage » (page 53). Henri décide de rester à Marseille, et alors qu'il est confortablement installé à la terrasse d'un café, l'image finale montre le navire de croisière emmenant Natacha qui quitte le port.
Chevaleresque, Henri n'aura de cesse d'aider Natacha jusqu'à ce que la jeune femme soit définitivement en sécurité et hors de danger. le dévouement, le courage et l'altruisme d'Henri auront raison de l'indifférence affichée de Natacha, dont les sentiments vont peu à peu évoluer. Henri refuse la vie aventureuse que Natacha peut lui offrir, mais sans qu'elle le sache, il fera le ménage autour d'elle, en éliminant les individus dangereux de son passé. de cette façon, grâce à Natacha, Henri se crée une raison d'exister, retrouve le sentiment d'être à nouveau utile et, tout comme Natacha mais d'une façon différente, il se met en condition de réussir un nouveau départ.
Cette bande dessinée nous parle d'une belle aventure humaine, brossant avec finesse les portraits de deux antihéros cabossés par la vie et que tout devrait opposer à priori.
Cette bande dessinée est également un thriller, dont les épisodes s'enchaînent sans temps morts. le scénario coécrit par Olivier Berlion et Antonin Varenne, certes efficace, ne parvient cependant pas à dépasser le déroulé un peu convenu des films policiers des années soixante, vous savez, ceux mettant en scène Alain, Lino, Jean et Jean-Paul, tour à tour flics ou voyous, gros bras ou cabotins, et usant de clichés qui semblent aujourd'hui bien éculés, tels que les attaques de fourgon, les évasions, les casses, les trahisons et les règlements de compte. Mais après tout pourquoi pas ? Hommage appuyé aux films noirs des années soixante, donc, à tel point que l'utilisation des téléphones portables et le viaduc de Millau paraissent ici anachroniques.
Le dessin d'Olivier Thomas est réaliste et précis, sa mise en scène est élégante et ses cadrages peuvent être parfois audacieux. On pourra cependant regretter le manque d'expressivité des visages, des yeux et des bouches qui auraient gagné à présenter plus de subtilité. Quelques très bonnes trouvailles parsèment le récit, comme l'écho de la fusillade entendu simultanément depuis le téléphone portable et au fond de la vallée, surgissant de la brume (page 31), la psychodramatique scène d'explication dans la voiture, de nuit et sous la pluie (page 44) contrastant avec le retour des couleurs vives et ensoleillées de Marseille, la ville où tout est encore possible (page 47). On pourra relever que l'illustration de couverture présente une scène qui ne figure pas dans le récit, ce qui peut être perçu comme une petite escroquerie intellectuelle.
Malgré ces petits défauts, Dos à la mer reste une bande dessinée qui ne manque ni d'élégance ni de souffle, aux dialogues ciselés, parvenant à équilibrer les scènes d'action menées tambour battant et les scènes plus intimes dévoilant les ressorts et les fêlures des deux personnages principaux.
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