AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Lamifranz


- Berlioz, vous connaissez, les enfants ?
- Facile, Berlioz, avec Marie et Toulouse, sont les trois chatons de Duchesse dans les « Aristochats » !
- Mmouais, c'est pas faux, comme dirait Perceval, mais à part ça, ce nom ne dit rien à personne ?
- Si, c'est un musicien, je crois ?
- Tu peux en être sûr ! Un des plus grands. L'histoire de la musique française ne serait pas la même s'il n'y avait pas eu Berlioz ! Voyez-vous, Hector Berlioz, en musique, a fait ce que faisaient à la même époque Victor Hugo en littérature et Eugène Delacroix en peinture : la révolution romantique. Révolution, parce que c'était un sacré coup de balai sur une tradition en train de se scléroser ; et romantique, parce que le Romantisme est un mouvement des idées qui a secoué la fin du XVIIIème siècle (en Allemagne et en Angleterre) et la première moitié (au moins) du XIXème siècle (dans le reste de l'Europe et donc en France).
- Berlioz était donc un romantique ?
- Un peu, mon neveu. On peut même dire que c'était un romantique à l'état pur. Mais savez-vous qu'en plus d'être un génie de la musique, il avait aussi un excellent don d'écriture : pendant des années il a tenu une rubrique dans Le Journal des débats, où il étalait ses états d'âmes, fustigeant la médiocrité des créations contemporaines (en particulier une haine tenace contre Cherubini) et portant aux nues les compositeurs qu'il idolâtrait, Beethoven, Glück ou Weber. Et puis il nous a laissé ses « Mémoires » qui ne sont parus qu'en 1870, à titre posthume (il était mort en 1869, à l'âge de 66 ans).
Ecrire ses mémoires, en soi, n'est pas un acte nouveau : Rousseau et Chateaubriand l'avaient fait avec lui. Mais l'époque n'était pas la même, et la sensibilité non plus, quoique l'un et l'autre ont eu une influence prépondérante sur le romantisme français. Quand Berlioz commence à rédiger ses souvenirs, il pense à une autobiographie, mais aussi à une histoire de son oeuvre, et à travers elle, au tableau musical de toute une époque. Et de fait, ces « Mémoires » sont autant une évocation extrêmement vivante de sa vie et des amours, que la lente description de son évolution musicale, son parcours personnel, ses influences, ses haines, parfois, et la place qu'il prend sur la scène musicale.
Pour autant, ces « Mémoires » sont-ils un document ? Sans aucun doute oui. On y respire toute une époque, où le sentiment prévaut, où le génie (littéraire, artistique ou musical) se manifeste obligatoirement par le coeur autant que par la raison. Berlioz, comme Hugo, ou Delacroix (qui lui aussi a laissé un Journal très intéressant), laisse paraître sa sensibilité dans tout ce qu'il fait, ses écrits comme ses partitions. Bien sûr, on pourra relever çà et là des inexactitudes, ou des approximations, et même des oublis, volontaires ou pas. Il reste cependant que ces « mémoires » constituent un témoignage important de cet autre « enfant du siècle ».
L'impression, en lisant ces « Mémoires », est que Berlioz ne nous livre pas seulement son « vécu », mais également son « vivant » : dans ces mémoires qui ont été rédigés tout au long de sa vie, on sent l'accent de l'authentique. Berlioz ne cache rien de ses sentiments, de ses haines comme de ses amours. Des quatre femmes de sa vie, il en est une qui bizarrement tient une grande place : ce n'est pas Camille Moke, qui l'a enflammé en 1830, ce n'est pas Harriett Simpson, qui lui a inspiré nombre de succès musicaux (mais bien des déboires sentimentaux), ce n'est pas Marie Recio qui elle n'avait rien pour elle, semble-t-il, que son physique, non, la femme qui a le plus marqué Berlioz, c'est Estelle Duboeuf, future Estelle Fornier), son tout premier amour (il avait douze ans), qu'il a aimée toute sa vie, et dont le retrouvailles à la fin de sa vie constituent un des moments les plus émouvants des « Mémoires »
Un livre remarquable, incontournable si l'on s'intéresse à la musique, incontournable si l'on s'intéresse à l'histoire littéraire. Et même, si ces deux intérêts vous sont étrangers, vous aurez quand même grand plaisir à lire ces pages vivantes, parfois enjouées, parfois techniques, et toujours enrichissantes. Fantastiques, comme… disons, une symphonie !
Commenter  J’apprécie          91



Ont apprécié cette critique (9)voir plus




{* *}