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Critique de AliceW


Arno Bertina est écrivain, de récits, de romans, membre du collectif Inculte. Ses fictions empruntent au réel, ses vues du terrain se font littérature, celle du réel, et ici plus que jamais la prolétarienne contemporaine, celle qui dit, dénonce et soutient.

Pour ce livre, il a suivi, entre 2017 et 2020, le combat des salariés de GM&S, usine d'équipements automobile qui en a vu de toutes les couleurs au fil des changements successifs de direction, reprises diverses, plans sociaux, sursauts vérolés. Car c'est finalement bien de ce dont il s'agit, du portrait d'une gestion financière abjecte, avec des investisseurs prêts à prendre où il faut quitte à faire de bonnes coupes, pour réinjecter dans les porte-feuilles personnels déjà bien garnis. Ces portraits là donc, qui se confrontent aux silhouettes de ceux qui se prennent ça en pleine face, l'incertitude croissante face à la redondance des suppressions d'emploi, au bon vouloir de ceux qui en veulent toujours plus et auxquels on laisse la possibilité de s'épaissir encore et toujours.

Arno Bertina ne livre pas un essai sociologique ni une étude journalistique. Comme pour le Congo avec L'âge de la première passe, il entre dans le groupe, interroge, avec la spontanéité de celui qui retient une gaffe au passage, observe, s'inscrit, pour un récit documenté et documentaire à teneur littéraire, avec un agrandissement de l'angle, des passerelles ajoutées, des références appelées, et beaucoup d'empathie. Car c'est aussi et surtout une gloire à l'intelligence collective, au poids du groupe solidaire face au poids des deniers, face à la violence de ceux qui tiennent les rênes à la manière d'une partie de petits chevaux, la voix du peuple face à ceux qui la font méchamment à l'envers sans même hausser un sourcil.

En 2017, Arno Bertina publiait le roman Des châteaux qui brûlent, dans lequel il était déjà question de luttes sociales, avec l'histoire, imaginée, de salariés d'un abattoir qui occupaient le terrain pour ne pas perdre leur emploi. La fiction a rejoint la réalité, sur l'invitation des salariés de GM&S de voir de près ce que ça pouvait donner, tout ça, concrètement. le voilà donc à La Souterraine, dans la Creuse, et dans cette boîte qui fait tourner le bled, à se faire non pas porte-parole mais bien observateur, de comment les choses tournent.

Donner la voix à ceux qui en manque, d'autres l'ont déjà fait avant, et récemment Joseph Ponthus avait fait cela admirablement avec A la ligne, l'accent poétique en plus. Pour le coup le salariés de GM&S n'en manquaient pas, de voix, leur combat a été médiatisé, c'est même un conflit social qui a marqué le début du quinquennat Macron. Les ex-GM&S ont déjà fait l'objet d'un film, On va tout péter ! de Lech Kowalski, et d'une BD, Sortie d'usine de Benjamin Carle et David Lopez. Et pourtant, malgré la route parcourue, malgré les batailles judiciaires, cela n'a pas suffit à enrayer le rouleau compresseur.

Pendant quatre ans, Arno Bertina est allé à la rencontre des salariés, a recueilli les témoignages de ce combat des hommes face aux stratégies économiques. Un sacré boulot, et une lecture absolument nécessaire, surtout en ces temps pré-électoraux… Alors on sait tout ça, mais visiblement pas encore suffisamment puisque l'impunité semble sans limite, toujours en quête d'un nouveau modèle juteux à tester, façonner, mettre en place. le capitalisme et le libéralisme sont pleins de ressources, mais ne doutons pas qu'en face nous avons les mêmes. Puisse ce genre de récit faire ouvrir les yeux encore collés devant la réalité du monde qui nous entoure, on peut toujours rêver, et à défaut soutenir, et lutter.
Lien : http://casentlebook.fr/ceux-..
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