AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de MarianneL


Retravaillée et rééditée chez Hélium en 2015, cette biographie romancée de Johnny Cash, initialement publiée en 2006 chez Naïve retrace le parcours d'un homme marqué par la culpabilité, la violence, la religion et le désir d'une rédemption hors de portée, en trois moments et trois lieux, et par la voix de trois témoins fascinés par l'homme et par le mythe.

1954 : Johnny Cash, qui n'est encore que John R. Cash, participe à un séminaire de formation à la vente au porte-à-porte. le premier narrateur, vendeur de bibles, entraîné dans un tour des cérémonies religieuses par Cash, est impressionné par sa présence physique, et, de fait, c'est autant par sa carrière que par son corps et ses angoisses intérieures qu'Arno Bertina nous fait vivre les métamorphoses de cet homme qui va devenir un mythe américain.

«Il n'est pas indolent c'est autre chose ; je vois une force contenue. Sa peau est celle de son âge, mais cette espère de puissance a quelque chose de félin qui efface la jeunesse du corps. Cette force ne va pas l'emporter, ce qui la contient est impossible à bouger.»

1965, changement de décennie et d'époque : L'homme a endossé la peau de Johnny Cash et les maux qui vont avec, abîmé jusqu'au plus profond par l'abus d'alcool, de barbituriques et d'amphétamines. En garde à vue pour détention de drogue, le policier admirateur du chanteur de country qui passe la nuit à ses côtés témoigne d'un mythe transformé en ombre.

«J'ai de l'amour pour ce type dont je ne connais que les chansons. Ce soir il est devant moi et tous ces ragots prennent corps. Sur la note des stups figure en rouge le chiffre 3 ; c'est donc sa troisième interpellation ici au Texas. Je n'ai pas appelé ailleurs mais il doit y en avoir plus encore dans le Tennessee, et quelques autres par là-bas en Californie ; des accidents parce qu'il roule défoncé, des motels saccagés ou n'importe quelle maison par laquelle il sera passé, et sa voiture aussi je crois, et les voitures des autres où il pensait avoir planqué quelques pilules, etc. Des pompiers l'ont arrêté il y a trois mois au milieu d'un brasier gigantesque : il venait de mettre le feu au parc de Los Padres, au-dessus de Ventura, une réserve naturelle. Quarante-quatre vautours de la réserve sont morts brûlés, j'ai retenu ce chiffre dingue. Quand les pompiers sont arrivés il était encerclé par les flammes, au milieu des torches-vautours, qui ne s'étaient pas envolées à temps parce qu'il leur commandait peut-être, ou parce qu'elles ne voulaient pas le laisser. Il parle au démon, il commande aux vautours : Saint François du Diable.»

1995 : Johnny Cash a plus de soixante ans, il en fait quinze de plus. Rick Rubin, producteur mythique, entre autres, d'Aerosmith et de Public Ennemy, s'est mis en tête de produire le vieux Cash, que beaucoup considèrent comme un tocard et qui est gravement malade. Avec American recordings, Rubin pousse Cash à remettre «l'os à nu» dans une course contre la montre pour lui faire enregistrer ce qu'il a en lui de plus tragique et de plus beau avant la fin.

«C'est aussi cette fatigue que je veux enregistrer, celle de l'homme ayant survécu à une tornade, sa vie. Fini l'insupportable cataclop-cataclop. Je veux qu'on entende le silence d'après les tornades. Il s'est débattu sans fin, il est en paix mais il n'a plus la force de se réjouir.»

Un contrepoint magnifique et poignant au "Hellfire" de Nick Tosches sur Jerry Lee Lewis, où, par des regards extérieurs, Arno Bertina réussit une plongée intime au coeur des démons de l'homme en noir.
Commenter  J’apprécie          120



Ont apprécié cette critique (9)voir plus




{* *}