François Guérif nous parle de l'arrivée de
Nick Tosches au sein de la collection noir.
“J’ai passé ma jeunesse à boire, prendre des drogues et baiser à droite, à gauche”
Nick Tosches (1949-2019)

Dans l’après-midi du 29 septembre [1976], jour du quarante et unième anniversaire de Jerry Lee, Norman « Butch » (Mastoc) Owens, qui était son bassiste depuis trois ans, rendit visite à Jerry Lee et à Jaren [l’épouse de Jerry Lee à cette époque…]
Les deux hommes étaient assis à boire et à bavarder, pendant que Jaren regardait la télé dans la salle de séjour. Jerry Lee sortit un 357 Magnum et le pointa sur Owens. Il dit :
- Regarde bien le canon de ce flingue.
Puis il dirigea le revolver vers un point situé à la droite d’Owens et dit :
- Je vais exploser cette bouteille de Coca-Cola ou je ne m’appelle pas Jerry Lee Lewis.
Puis il tira.
Owens porta la main aux deux trous sanguinolents sur sa poitrine et s’effondra. Jaren cria après lui parce qu’il saignait sur le tapis blanc tout neuf de la salle de séjour.
Il fut emmené à l’hôpital Saint-Joseph, où il subit une intervention chirurgicale d’urgence. Jerry Lee fut accusé d’avoir tiré à l’arme à feu dans l’enceinte de la ville, ce qui était un délit.
[En mémoire de Jerry Lee Lewis, décédé hier à 87 ans.]
Je ne recyclais jamais mes ordures. Même si je n'avais pas su que le tout allait finir dans la même décharge, je ne les aurais pas recyclées. Le monde est flingué, et ce de façon irrémédiable. Recycler ses ordures, ça revient à enlever les peluches du col d'un cadavre allongé dans son cercueil.

Nous vivons en un temps de pseudo connaissance, par quoi nous nous efforçons vaniteusement de nous distinguer de la médiocrité ambiante. S’asseoir autour d’une bouteille de jus de raisin rance et évoquer de délicats arômes de groseille, de fumée de chêne, de truffe, ou n’importe quelle autre gracieuse ineptie que l’on croit découvrir dans le goût de cette piquette, c’est être un cafone de premier ordre. Car s’il y a un délicat arôme à découvrir dans n’importe quel vin, ce sera vraisemblablement celui des pesticides et des engrais. Voici ce qu’un “connaisseur” dit d’un Château-Margaux de 1978 : “Aéré pendant une heure, ce vin dévoile de doux parfums de cassis, de chocolat, de violette, de tabac et de vanille. Attendez encore dix ans et ce vin pourra aboutir au mélange caractéristique du Margaux classique : cassis,truffes noires, violette et vanille.” Comme si tout cela n’était pas déjà assez absurde, il y a“une note poivrée cachée dans le cassis”.
Comment un nez aussi sophistiqué peut-il ne pas détecter la bouse de vache avec laquelle les propriétaires de ce Bordeaux si réputé fertilisent leur vin ? Un véritable connaisseur en matière de vins, si une telle chose pouvait exister, reconnaîtrait principalement le goût des pesticides et des engrais: il ne serait pas un goûteur de vin, mais bien plutôt un goûteur de merde. La seule connaissance qui vaille en matière de vins est celle des gens qui savent que la véritable âme du vin, c’est le vinaigre. C’est en buvant d’un trait ces rares vinaigres d’un grand âge étiquetés da bere que l’on goûte réellement des merveilles: le vrai truc, à mille lieues de ce jus de foutaise industriel enrobé d’épithètes prétentieuses.
C’était autrefois la boisson noble et sans apprêt des paysans nobles et sans apprêt des paysans bien plus nobles et compétents que ces connards bourrés de fric qu’on escroque en leur faisant croire que le vin appelle d’autres commentaires que “bon”, “mauvais” ou “ferme ta gueule et bois un coup”.
Pourquoi étaient-ils venus là ? Parce qu'ils avaient lu que c'était le lieu où il fallait vivre. L'école avait bonne réputation. Les prix de l'immobilier montaient. Le quartier était sûr. C'était un bon investissement. L'endroit idéal pour élever des enfants. Alors ils sont venus, ils ont envahi l'école, créé une bulle immobilière, attiré la délinquance, provoqué l'inflation, exclu ceux qui étaient là avant eux, et reconstruit le quartier à leur image, claironnant leur domination sur les vestiges finissants de ce qui avait été, et n'était plus.
Qui étaient-ils ? Des transfuges de l'Upper East Side. Des nouveaux riches venus d'Europe et d'Asie. Des voleurs de Wall Street. Des spéculateurs. Des yuppies. La lie de New York et de la terre. Je devenais raciste. J'en arrivais à détester les Blancs. Ces Blancs-là.
A propos de Lester Bangs : "Il était un romantique dans le sens le plus grave, le plus triste, le meilleur et le plus ridicule de ce mot usé. Il ne pouvait pas simplement se taper une fille ; il devait tomber amoureux d'elle. Il ne pouvait pas simplement détester quelque chose ; il devait s'échiner à le combattre."
On peut dater les débuts de l'âge d'or du rock n'roll à 1945, quand la musique noire urbaine branchée a divergé en deux courants révolutionnaires distincts : le courant froid, plus cérébral et apollonien du be-bop, et le torrent plus fébrile et dyonisiaque du rythm'n'blues, dont les pionniers furent des "brailleurs de blues" propres à l'époque comme Wynonie Harris. Cette époque dura un peu moins de dix ans.
Il est toujours plus facile de voir chez les autres ce qui nous gêne chez nous. Quelques jours après ma deuxième rencontre avec Sandrine, j'ai compris brusquement que lorsque je croyais sonder son cœur, c'était en fait le mien que je sondais.
Jamais après-midi ne s'est écoulé avec autant de sérénité, jamais la vie n'a été aussi pleinement vécue, délivrée des larves qui rongent cette boule de viande grossière, pleine de circonvolutions, que nous appelons l'esprit. Être ici maintenant, sans paroles, comme si chaque souffle était une naissance, en regardant, calme et détaché, à travers les interstices de l'éternité.
Apprendre à lire ce que l'amour silencieux a écrit, se courber sous la force du vent, c'est vivre.