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Critique de Plumefil


Sachant que je suis, comme beaucoup, fan de la série Kaamelott, un couple d'amis m'a offert ce bouquin que je ne connaissais pas et dont nous avions longuement parlé lors d'une précédente rencontre excitant ma curiosité.

Pour ceux qui n'ont pas suivi ou pas adhéré à l'épopée du Roi Arthur et de ses piètres chevaliers à la mode Alexandre Astier, inutile d'ouvrir ce livre, mais il n'est jamais trop tard.

Pour les autres, je ne peux que conseiller de se plonger dans ce véritable Codex de l'Histoire et de la légende arthurienne étayée par de nombreux écrits modernes comme anciens. L'aventure a débuté par un colloque à la Sorbonne en mars 2017, présenté par des universitaires spécialisés dans un domaine de prédilection : littérature, histoire, politique, art, musique….etc.

Les deux jeunes universitaires, Florian Besson et Justine Breton, ont repris des éléments de conférences pour en faire un livre à la portée de tous. Chaque conférencier a son chapitre traitant d'un sujet précis. Par exemple : Perceval ou le malentendu chevaleresque, Guenièvre, reine de Logres, Combattre le dragon dans Kaamelott ... Au milieu du rappel des périodes historiques de référence, Moyen âge et Empire romain, pas du tout contemporains l'un de l'autre, fusent quelques répliques ou des dialogues de la série dont certains devenus cultes comme "C'est pas faux !", "L'est où la poulette ?", "Non, moi je crois qu'il faut que vous arrêtiez d'essayer de dire des trucs. Ça vous fatigue déjà, et pour les autres, vous vous rendez pas compte de ce que c'est. Moi, quand vous faîtes ça, ça me fout une angoisse ! Je pourrais vous tuer, je crois ... de chagrin, hein."

L'humour décalé d'Alexandre Astier allié à ses connaissances explique le succès de cette série évidemment, mais il est judicieux de se demander comment le public a pu être autant séduit par une légende si éloignée de notre époque ... Loin des questions pouvant paraître rébarbatives de la géopolitique du Moyen Âge émaillée par les guerres, la série présente le quotidien des personnages et de leur entourage dans un décalage permanent d'époques comme le langage des plus actuels qui conduit fréquemment le spectateur à l'hilarité.

Cette série est riche et complexe malgré le choix du format, environ 3 minutes par épisode. Justement, le peu de temps accordé à chaque sujet permet à l'auteur d'aller droit au but ! Que l'on soit d'accord ou non à l'interprétation qu'Alexandre Astier donne à la légende arthurienne, on ne peut émettre de doute sur sa connaissance sans faille du monde médiéval et du royaume de Bretagne en particulier.

Pourtant, ce n'est pas un traité sur l'histoire, plusieurs époques sont mélangées sans états d'âme, du Bas Moyen Âge où la grandeur de Rome s'étendait de l'Occident à l'Orient, au Haut Moyen Âge, prémices de la Renaissance donc pas moins d'une dizaine de siècles. Mais qu'importe, même si Alexandre Astier crée un Moyen Âge atemporel, il joue avec les connaissances, même minimes, des spectateurs : le roi Arthur, la Quête du Graal, Lancelot, Les chevaliers de la Table Ronde, la Dame du Lac, les Romains… Chacun d'entre nous a vu ou lu quelque chose sur l'un de ces sujets : des BD (Astérix - Uderzo-Goscinny, ... ), des romans de Fantasy (Le seigneur des anneaux - J.R.R.Tolkien, ... ) ou leur traduction cinématographique (Merlin l'enchanteur - W. Disney ... ) qui apportent leur lot de créatures fantastiques (trolls, nains, elfes, dragons ... ). Au sujet de la série Alexandre Astier confie :"Ce n'est pas une histoire, mais un environnement, avec des règles. Une matière où il peut tout se passer, comme dans un jeu de rôle." (Extrait d'entretiens menés dans le cadre de la recherche de l'auteur sur la culture geek.)

En lisant ce livre, j'ai retrouvé avec plaisir les principaux personnages dont les attitudes et le comportement sont des révélateurs bien plus profonds de l'identité humaine que certaines situations comiques laisseraient entrevoir. Ils sont étudiés à la loupe et ont une réelle évolution tout au long de l'aventure. C'est ainsi que, si on ne s'en est pas rendu compte seul, Guenièvre n'est pas aussi "gourdasse" que veut bien le dire sa mère Séli. Avec Mevanwi elle représente l'ambivalence de la même femme, naïve, pure, mais aussi sombre et calculatrice, bien loin du portrait décrit dans les écrits médiévaux. Perceval, paraissant idiot par son manque de compréhension du vocabulaire d'usage et ses bourdes diplomatiques a pourtant des éclairs de lucidité impressionnants. Comme les ménestrels, amuseurs des rois médiévaux, il accède à une relation privilégiée avec Arthur. Merlin, l'enchanteur du roi, est souvent ridiculisé par son manque de réussite de la Magie Blanche, aussi au fur et à mesure que la série avance, on voit sa robe immaculée s'assombrir pour se griser de plus en plus, marquant sa désillusion et son manque de motivation, contrairement à la noirceur de son alter ego Elias.

Sont abordés également les représentations des tenues vestimentaires, des coiffures, la place des repas et festins, les relations politiques avec les envahisseurs et notamment la suprématie puis le déclin de Rome par la présence de Caïus, centurion romain, devenant Kay, paysan breton.

Si tous les acteurs sont magistraux dans leurs toges ou armures bizarres, il faut reconnaître le talent du créateur Alexandre Astier, musicologue de formation, à qui on doit tous les arrangements musicaux. L'épisode de "La quinte juste" est des plus savoureux. Sous un habit d'humour, il dénonce le processus lent et complexe, parfois dangereux (excommunication) qui a permis l'évolution de la musique. Les jeux tiennent aussi une place importante, les combats organisés par le tavernier avec des animaux aussi différents qu'un oiseau hargneux ou un ver trouvé dans son fromage ! Que dire du "Cul de chouette" ou du "Sloubi", jeux aux règles incompréhensibles que Perceval insiste pour apprendre à son entourage. Pour preuve les relances de ce dernier :" Doublette, jeu carré, jeu de piste, jeu gagnant, jeu boulin, jeu jeu, jue jeu, joujou, jou glié, jou ganou, gagnat, catact, tacat, cacatat, cagatcata et ratacac mic. Ou chante Sloubi."

La lecture de ce livre permet de recevoir des clefs pour une compréhension de la série à plusieurs niveaux. le lecteur est libre de les utiliser ou pas. On comprend que loin de la Quête du Graal traditionnellement traitée avec mysticisme, cette Histoire déclinée par épisode, tout en étant drôle et touchante, est un miroir de nos doutes actuels qui n'ont rien de médiévaux.

La seule réserve que j'émettrai, c'est le nombre de notes de références à la fin de l'ouvrage. Je ne conteste pas leur présence nécessaire pour le respect de la bibliographie généreuse qui a aidé les universitaires conférenciers, mais je déconseille de les lire avec l'avancée de l'ouvrage. Au début, j'ai utilisé deux marques pages, bien vite j'ai abandonné le deuxième, car je n'arrivais pas à trouver mon rythme de lecture. Sachant que la plupart font références d'autres ouvrages ou précisent les épisodes de la série dont sont extraits les citations, j'ai trouvé plus judicieux de lire les notes qui m'intéressaient en fin de chapitre.

Après avoir vu la série plusieurs fois, toujours avec la même jubilation, les épisodes de 45 minutes retraçant la carrière romaine d'Arthur avant son accession au trône de Kaamelott grâce à Excalibur, j'attends que les premières vagues déferlantes de spectateurs soient un peu apaisées pour prendre place face au grand écran.
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