Il faut dire pour sa défense qu'une personne me voyant pour la première fois pouvait être très surprise par mon apparence. J'ai toujours eu à cœur de m'habiller selon mon humeur, et aujourd'hui, je me sentais l'âme d'un mousquetaire. Je m'étais donc tout naturellement habillé en conséquence. Mes costumes étaient toujours de belle facture et représentaient très bien l'air d'authenticité que je recherchais.
Que ce soit bien clair : un esprit vagabond ne peut pas rougir. Mais mon Zeph, ayant l'énorme chance de pouvoir jouir d'une enveloppe physique quelques heures dans la journée, était une exception à la règle de son espèce. Je le vis donc devenir rouge comme une pivoine, ce qui allait plutôt bien avec l'air de furieuse indignation qu'il affichait à ce moment.
Je me doutais de la suite et me félicitai de ma perspicacité en ayant demandé à Zeph le matin même de préparer un repas plus conséquent pour mon déjeuner. Je l'entraînai dans l'arrière-boutique ou une petite cuisine était installée et l'invitai à prendre place à table. Je profitai de cette opportunité pour observer à la dérobée ce drôle de jeune homme que le hasard avait placé sur ma route. Un frisson de satisfaction parcourut mon échine. Ma première intuition concernant mon invité se transformait de plus en plus en conviction, à savoir : que cette personne assise en face de moi n'était pas aussi ordinaire qu'elle le paraissait de prime abord. Conscient de l'attention dont je faisais à mon tour l'objet, le repas se termina sans que nous eûmes échangé autre chose que des banalités.
Croyez-le ou non, les requêtes de revenants concernent très souvent des parents disparus, sans jeux de mots douteux, bien entendu.
Cependant, l'affaire qui nous préoccupait aujourd'hui avait un potentiel de scandale plus élevé encore, et il était impératif que je mène celle-ci avec la plus grande discrétion. Ca tombait bien, c'était un challenge dans mes cordes.