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Critique de le_Bison


Le 31 octobre,

Mon précédent livre, un roman sur le Wyoming, une tranche de vie dans cet univers de corral, de ranch et d'âmes humaines. J'ai terminé également le fond de ma bouteille de Speyside. A quel whisky vais-je donc me tourner ? Il me faut choisir car je pressens que cette lecture-ci sera lourde, pesante et éprouvante, une lecture entre émotion et douleur que même ce liquide ocre qui coule dans mon verre ne pourra atténuer. Mais il sera nécessairement présent car je ne pourrais ressortir indemne de ce bouquin, c'est le 4ème de couverture qui me le prédit, la 1ère page me le promet également.

Le 1er novembre,

Je pars pour l'île de Ré et son extrémité Saint-Clément-les-Baleines. Au loin, la ligne d'horizon et la mer, fougueuse, impétueuse comme un mois de novembre déchainé. Pourquoi partir à l'autre bout du globe, chevaucher les latitudes, traverser les longitudes. Point de GPS, juste des vagues, un phare, quelques étoiles, un vent glacial qui fouette mon visage transi de froid, de vieux marais salants, des vieux sur un banc, mémoires de cette île. Je suis avec Philippe Besson, avec qui j'avais déjà partagé un Southern Confort dans un bar isolé de Cape Code, Chez Phillies. C'était « l'Arrière-saison ». Cette première rencontre marqua dans mon esprit une déception, un léger désappointement qui ne fut pas irrémédiable puisque je recroise sa route, même si cette fois, je ne traverse pas l'Atlantique. Je vais juste au bout… Au bout de l'île de Ré, au bout de mes émotions, au bout de la vie avec « Son Frère ».

« Son Frère » raconte donc l'histoire de Thomas et de son frère Lucas – ou inversement. Quand on est frère, c'est dans les deux sens. Ce n'est peut-être pas toujours le cas, mais là, je sens que les deux êtres sont proches. La maladie de Thomas y est peut-être aussi pour quelque chose, dans ce rapprochement, dans cette fusion fraternelle. Thomas est malade, ce sont les premiers mots du roman, mais Thomas va mourir aussi. Pas de suspens, je ne serai pas surpris par une fin mélodramatique. le drame est en entrée de jeu. Il est là, il va survenir. Thomas en est sûr. Les médecins se penchent sur son cas, mais ne savent pas grand-chose et ne peuvent donc apaiser sa douleur. Douleur physique mais aussi douleur morale.

Je referme le bouquin. Je me pose cette question : pourquoi lire un tel roman ? Pourquoi lire sur la souffrance, sur le désespoir, sur la mort même ? Est-ce une excuse pour me servir un verre, parce que l'histoire est trop dure, que j'ai besoin de souffler et de ne pas sombrer moi-même dans cette douleur humaine. A défaut, vais-je sombrer tout simplement dans l'alcoolisme ?

Le 3 novembre,

Je me sens comme un voyeur. Je me méprise. Je suis là assis dans mon canapé, un verre de Macallan (oui, j'ai choisi d'ouvrir un Macallan, surtout depuis que j'ai vu James Bond s'en servir un verre, 50 ans d'âge. Il y a un peu de James Bond qui passe ainsi dans mes veines). Je regarde cette souffrance. Je ne fais rien, ne peux rien faire même si je le voudrai. Mais je reste accrocher à ces mots, d'une rare intensité. Je suis coi, mon énergie a été pompée comme si le sang de mes veines s'était transformé en glace. Mais à la différence de Lucas et de Thomas, une fois que l'histoire s'achèvera, je pourrais refermer le bouquin et passer à autre chose, un autre quotidien peut-être plus gai, plus enjoué, où je n'aurais pas honte de boire mon verre de Speyside, de humer la verdure de ces landes écossaises. Mais Thomas n'est pas encore mort. Il lui reste quelques mois, semaines, jours ? Je ne compte plus, l'inévitable étant inévitable, je m'y suis préparé depuis la première ligne. Alors je reviens vers cette angoisse qui me noue la gorge, m'asphyxie, me terrifie.

Le 4 novembre,

La fin est toute proche, fin du livre, fin de Thomas. Je vais survivre, Lucas aussi. Mais pour quelles séquelles ? Je m'en remettrai. Bien sur. Mais je n'oublierai pas. Non plus. Il y a des histoires qui marquent une vie, qui laisse une empreinte presque indélébile. Je garde le ‘presque' en mémoire, car j'espère au fond de moi que certaines images s'effaceront avec le temps. Je ne sais toujours pas pourquoi je me suis attelé à une telle lecture. Mais je ne regrette pas ce choix. L'auteur ne regrette certainement pas, non plus, ses mots. Car il doit savoir qu'ils ont fait écho à ses lecteurs. « Son frère » est une remarquable histoire. Je reviendrai certainement à Philippe Besson.

Le 5 novembre,

Que lire après une telle histoire ? Qui va accompagner mon nouveau Speyside ? J'ai déjà une idée...
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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