Les orphelins

«  Les cheveux en bataille et les pieds dans nos vieilles godasses , on est assis avec Arno devant le bureau de Mme Pferfferli, .
Trois paquets d’os en face d’un squelette …..
Ce n’est pas pour rien qu’on la surnomme la Pie !
Elle est vêtue de son uniforme noir et blanc .
Derrière elle, une dame en blouse blanche remue les doigts dans ses poches. Des stylos s’en échappent .
Elle s’appelle Anna ,,elle a trente - cinq ans et elle est docteur .
Les trois paquets d’os assis devant Mme Pferfferli voient Anna pour la première fois. Ils ont une sacrée trouille , surtout toi et moi, et les deux grands . »

«  Cet immeuble a remplacé la fermette de Heidi.
Envolée , disparue ,comme les deux lettres de Rüdi. Un coup de Michèle ?
Plus rien n’existe de mon enfance .
Excepté toi , ma jumelle .
Mais toi tu t’en es détachée . Parce que nous sommes partis . Nous sommes devenus rien. Pareils à des morts »

«  Ça pue la souffrance dans toute la classe. Elle se diffuse, je la sens, une lame de couteau dans ma nuque.
Mais je n’éprouve pas la tristesse qu’ils ressentent tous ensemble , et qui t’arrache une larme . Leur douleur te prend, tu veux la partager avec eux , te mêler à leur chagrin. Il est si grand et si profond , pour le soulager il n’y a que la Bible.
Michèle la saisit et l’ouvre en embrassant toute la classe d’une œillade affectueuse » …….

A l'exception de quelques-uns, tous chantent :
Nous n'avons désormais qu'une seule patrie : l'Afrique du Sud. Ses problèmes sont les nôtres. Son avenir est notre avenir. Nous voulons participer à son combat contre le vent du changement qui s'est levé, et nous battre pour faire triompher nos idéaux.
Ca s'appelle un serment d'allégeance et c'est à te tirer des larmes. Je ne le prononce pas. Je n'ai pas dû bien apprendre ma leçon. Pour cette raison, je disparais de cette télé où ne demeurent plus que les adoptés qui jurent amour et fidélité.

- Verwoerd passe à la télé ! s'écrie Wilhem.
Enfin, la télé se voit écoutée. Elle a le bonheur de nous parler d'un monsieur important, dont elle nous rappelle qu'il ne faut pas l'oublier, car il a été assassiné, alors qu'il était important.
Afin que nous ne l'oubliions pas, et son sang est conservé sur le fauteuil où la mort l'a trouvé.
Six mois déjà.
Dieu, dont le fils est sur le point de naître, n'a pas voulu ça. D'ailleurs, le sauvage qui a tué Hendrik Verwoerd ne descend pas d'Adam. Encore merci aux États-unis, à la France, à l'Angleterre ... pour leur condoléances.
Hendrik Verwoerd était quand même le père de l'apartheid.
Joyeux Noël à toutes et à tous.

Je me fais peur à moi aussi. Si je me croisais dans la rue, je changerais de trottoir.

Les marches de l'escalier couinent, elles ont des rhumatismes, et les talons de Michèle leur font mal.

Heidi. Je l'ai demandé en mariage l'autre fois, mais il paraît qu'à huit ans on ne peut pas.

Le dossier est plein de traces du passé. Par exemple, papa qui tombe en Russie, en 1943. Ludwig Mahler, un paysan de Lahn, qui nous a déposés à l’orphelinat deux jours après le décès de maman.

Moi-même j’en suis choqué. Mais il y a des gens, vous les aimez inconditionnellement. Ceux qui sont de votre sang. Ceux qui sont de votre enfance. On ne rompt pas avec son sang. Et son enfance, on ne la quitte jamais. Parce que, au milieu de ce qui vous déplace, de ce qui vous remplace, c’est tout ce qui vous fait tenir en place.