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Citations sur Histoire de l'humanisme en Occident (56)

Comment éviter que les hommes se battent au nom de leurs croyances ? Comment faire pour qu'ils vivent selon des préceptes de tolérance et de fraternité ? On ne le sait toujours pas de science exacte... Erasme insiste ailleurs sur l'éducation des enfants -nous l'avons vu- et l'humanisme de la Renaissance sera inspiré par la théorie de l'innutrition : il faut que la fréquentation des grands auteurs de l'Antiquité fasse l'objet d'une assimilation, imprégnation ou "digestion" telle que l'individu en soit éduqué à pratiquer lui-même les vertus dont il aura trouvé là le modèle. Il faut emplir son âme de philosophie, et de poésie dira le cercle de La Pléiade (poètes français regroupés autour de Ronsard et de Du Bellay à partir de 1553), pour qu'elle soit élevée à une vertu et à une sensibilité qui la rendent incapable de méchanceté. On doit à François Rabelais (1483-1553) la formulation la plus complète du programme d'éducation encyclopédique idéalisé par cette période comme imprégnation profonde de la personnalité, et remède non seulement à l'inculture mais à nos pulsions barbares en réalité étrangères à nous-mêmes : l'éducation doit fortifier l'homme dans l'homme, c'est-à-dire sa vertu naturelle.
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(...) : de façon analogue à la cultura vitium, la culture de la vigne, et en général à l'agri cultura, Cicéron considère que l'homme est l'agriculteur de lui-même et que l'éducation est une agriculture de soi. Dans ses Tusculanes, il est semble-t-il le premier à avoir fait le rapprochement entre culture des champs et culture de l'âme, terre extérieure et terre intérieure, avec sa notion de cultura animi : "Un champ, si fertile soit-il, ne peut-être productif sans culture, et c'est la même chose pour l'âme sans enseignement (...). La culture de l'âme (cultura animi), c'est la philosophie : c'est elle qui extirpe radicalement les vices, met les âmes en état de recevoir les semences, et, pour ainsi dire, sème ce qui, une fois développé, jettera la plus abondante des récoltes" (Arléa, 1998).
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La foi des humanistes de la Renaissance était que l'homme a devant lui un univers dont l'immensité correspond à l'immensité de notre âme, et pour les plus mystiques comme Giordanno Bruno la vie universelle prenait sa source dans l'esprit et le coeur des humains.
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"Les arbres, c'est bien possible, naissent arbres, même ceux qui ne portent aucun fruit ou des fruits sauvages; les chevaux naissent chevaux, quand bien même ils seraient inutilisables; mais les hommes, crois-moi, ne naissent point hommes, ils le deviennent par un effort d'invention. Les hommes primitifs, qui menaient dans les forêts, sans lois et sans règles, une vie de promiscuité et de nomadisme, ressemblaient davantage à des bêtes qu'à des êtres humains. c'est la raison qui fait l'homme; et elle n'a point de place là où tout s'accomplit au gré des passions." (De peuris, De l'éducation des enfants)
Mesurons bien l'écart ahurissant, et ses conséquences, entre ce texte d'Erasme et l'Article Ier de la Déclaration universelle des droits de l'homme, pour réaliser qu'entre 1529 et 1948 l'humanisme occidental paraît avoir évolué jusqu'à se contredire : "les hommes, crois-moi, ne naissent point hommes" contre "tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits". Il serait temps, en ce début du XXIe siècle, que nous tentions l'effort de synthèse d'une pensée humaniste complexe, qui intègre les acquis de l'humaniste antique et classique à ceux de l'humanisme moderne. cet humanisme complexe serait capable d'affirmer sans contradiction que l'homme est un être paradoxal qui naît humain et qui a à le devenir, qui a le droit d'être considéré comme ayant naturellement une dignité égale à celle de tous les autres mais qui a en même temps le devoir de développer cette dignité en travaillant à devenir un meilleur être humain.
Portons plus loin le formulation même de ma Déclaration universelle des droits de et des devoirs de l'homme : "tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits, avec la responsabilité pour chacun de parfaire et de valoir cette dignité en remplissant d'abord ce premier devoir envers soi-même qui est de travailler à devenir un meilleur être humain."
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On aurait tort d'aller trop vite en préjugeant ici de la supériorité des modernes. Car l'idée d'une égale dignité de tous les hommes a des avantages mais aussi de graves défauts.
Elle a l'avantage d'empêcher que des hommes se disent supérieurs, et cherchent à imposer leur domination au nom de cette prétendue supériorité à d'autres qui leur seraient inférieurs. Elle permet aussi de protéger les plus faibles, les plus fragiles, en faisant valoir que toute personne humaine doit faire l'objet d'un respect sacré. Elle garantit qu'au-delà du mérite ou des talents particuliers des uns, tous les êtres humains soient en droit traités avec la même considération et sans mépris. Il n'y a pas de sous-hommes dans l'humanité -tel est l'acquis fondamental de l'humanisme moderne, qui interdit donc aussi bien l'esclavage que tout système politique fondé sur l'inégalité de castes ou de races . Mais ce qu'on gagne sur un plan, on le perd souvent sur un autre.
En l'occurrence, la modernité a tellement voulu affirmer que tous les hommes "naissent libres et égaux en dignité et en droit" qu'elle a oublié d'insister en même temps sur le fait que la dignité d'homme est aussi quelque chose qui se gagne et se construit. Etre homme est à la fois inné et acquis. Notre dignité d'homme n'est pas seulement un droit qui nous est donné par notre seule naissance dans l'espèce humaine mais le résultat d'une construction de soi -souvenons-nous ici du souci des Grecs comme sculpture de sa propre humanité. La dignité humaine est autant affaire de droit que de devoir envers soi-même.
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Pour les antiques et les classiques de la Renaissance, l'humanité est moins une qualité innée qu'une qualité largement acquise au fur et à mesure de l'éducation et du travail sur soi. Il y a une différence majeure entre l'humanisme antico-classique de type aristocratique -qui célèbre les humanissimi- et l'humanisme moderne de type démocratique : là où les modernes instituent l'égale dignité de tous les hommes, les classiques considèrent que la dignité d'homme est inégale entre ceux qui ont fait l'effort de la cultiver et ceux qui ne l'ont pas fait.
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Si chacun dans son existence quotidienne n'a pas le sentiment d'être la proie de dieux vengeurs -comme l'était Oedipe- nous faisons tôt ou tard l'expérience fondamentale qui est la sienne : la confrontation à tout ce qui nous échappe dans une vie que nous pensions contrôler et diriger, et plus inquiétant encore la confrontation à notre étrangeté à nous-mêmes, c'est-à-dire à tout ce qui dépasse ce que nous pensions savoir et vouloir.
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Chez Sophocle au Ve siècle avant notre ère, dans Oedipe-Roi, Oedipe est ainsi rattrapé par une malédiction : (...) il découvre qu'il est un monstre, ou qu'un monstre a agi en lui en lui faisant commettre des actes que sa conscience réprouve mais qu'une intention secrète au fond de lui-même a peut-être commandés. Ce n'est pas tant "si j'avais su" qui accable Oedipe que le plus terrifiant "et si en fait au fond de moi-même je savais ?"
Voilà comment s'ouvre devant un homme l'abîme insoupçonné sous les dehors d'une vie bien menée, et comment s'ouvre sous ses pieds le puits sans fond des causes, des mobiles et du sens des actes.
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L'humanisme de la tragédie
Les Grecs n'étaient pas humanistes seulement au sens où ils exaltaient la puissance de la volonté et des capacités de l'homme. Ils savaient célébrer sa grandeur dans l'impuissance comme dans la puissance, c'est-à-dire montrer que l'être humain peut tomber dans des abysses aussi profonds que sont élevées les altitudes où il se hisse. C'est la dimension tragique de l'humanisme grec, et on pense ici évidemment aux tragédies de Sophocle, Eschyle et Euripide. Mais il s'agit de quelque chose qui est encore un héroisme, en l'occurrence celui du héros tragique aux prises avec les dieux dont la décision fatale le pourchasse et le condamne à une éternité de malheur, ou bien aux prises avec ses propres abîmes intérieurs, jusque devant lesquels il s'avance et qui l'épouvantent. Tout cela est un moyen supplémentaire d'imprimer dans la conscience collective l'idée que derrière son évidence, sa banalité ou sa facilité apparente, toute vie humaine se joue en fait sur le fond grandiose d'un rendez-vous avec le destin, et d'une marche aveugle au bord de quelques gouffres...
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Il n'y a pas d'hommes supérieurs mais il y a des hommes remarquables. Qui ne sont plus esclaves parce qu'ils ont conquis leur liberté de haute lutte en apprenant à penser par eux-mêmes.
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