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Critique de folivier


Roman très original et atypique. D'ailleurs doit-on parler d'un roman, l'auteur lui-même dit qu'il écrit un "infra roman" (p 327 Ed Folio). Entre le roman et documentaire historique, ou essai et réflexion sur l'écriture, le roman et la relation de la littérature avec la réalité ?
Comment raconter l'histoire sans la trahir.
Laurent Binet parle de "l'incommensurable et néfaste pouvoir de la littérature" (p69 Ed Folio) car elle permettrait de "s"appuyer sur une histoire vraie, en exploiter au maximum les éléments romanesques, et inventer allègrement quand cela peut servir la narration sans avoir de compte à rendre à L Histoire. Un tricheur habile. Un prestidigitateur. Un romancier, quoi"
Comme l'écrit Laurent Binet au début de son texte : "Non ce n'est pas inventé ! quel intérêt, d'ailleurs, il y aurait-il à "inventer" du nazisme ?" (p68 Ed Folio).
Effectivement pourquoi romancer, ajouter du pathos au risque de travestir l'atroce réalité.

Par très court chapitre, par saut successif, par imbrication, Laurent Binet produit une redoutable construction qui nous présente l'enchaînement inéluctable des faits historiques, des causes et conséquences aboutissant au climax de l'attentat produisant alors des ondes de chocs parcourant le temps et l'espace. En voulant éviter à tout prix, le romanesque, la littérature, en voulant rester collé à la réalité, aux faits, c'est avec une implacable lecture des évènements que l'auteur nous donne à voir atterrés se dérouler cette histoire tragique des années 1940 que nous connaissons. Avec parfois un brin d'humour noir ("3- le sport, c'est quand même une belle saloperie fasciste" (p277 Ed Folio) Laurent Binet nous livre ses réflexions sur la littérature, ses recherches documentaires sur les faits qu'il nous raconte, ses réflexions sur ses lectures d'autres ouvrages ou roman portant sur cette même période. Ces allers-retours entre l'histoire, les personnages et l'auteur propre personnage du roman, s'estompent au fur et à mesure que l'on arrive à l'attentat pour aboutir à une fusion entre le temps historique et le temps de l'écriture, mélangeant deux réalités, et finalement arriver à de très belles pages de vraie littérature.

Roman (?), en tout cas texte très intelligent, sensible qui a le très grand mérite de nous inviter à réfléchir à comment raconter l'inracontable, comment transmettre aux vivants la fugitive trace, le souvenir de ces millions de disparus...
"Ceux qui sont morts, sont morts et il leur est bien égal qu'on leur rende hommage. Mais c'est pour nous les vivants, que cela signifie quelque chose. La mémoire n'est d'aucune utilité à ceux qu'elle honore, mais elle sert celui qui s'en sert Avec elle je me construit, et avec elle je me console.(...) Pour que quoi que ce soit pénètre dans la mémoire, il faut d'abord la transformer en littérature. C'est moche mais c'est comme ça." (p244 Ed Folio)
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