AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Nastasia-B


J'ai lu ce livre en tant que " classique " de la littérature francophone africaine. J'y ai trouvé, comme attendu, un esprit, une verve, une belle maîtrise de la langue, une grande culture, une sensibilité politique, etc. Rien que de bons ingrédients.

Alors pourquoi ce sévère 2/5 me direz-vous ? Probablement parce que je n'y ai pris aucun plaisir à la lecture, n'y ai ressenti aucune émotion particulière : plaisir & émotion qui sont les deux mamelles qui nourrissent mes appétits de lectrice.

J'ai trouvé qu'on ne sortait guère d'une longue liste d'anecdotes. Oui, c'est cela, un catalogue d'anecdotes ou de bons mots, mais jamais d'intrigue, jamais de personnages un peu creusés auxquels on puisse se frotter, jamais de construction littéraire intéressante à mes yeux. Beaucoup de clichés et finalement, un discours général qui est peut-être presque autant raciste à l'égard des Parisiens que le racisme qu'il prétend dénoncer.

Évidemment, Bernard Dadié écrit en 1956 ; aucune des colonies africaines françaises n'est encore libérée ou indépendante et ceci est loin d'être un détail, mais tout de même. Est-ce donner de la force au propos " antiraciste " que de s'adonner à une autre forme de racisme ?

À longueur de pages, Bernard Dadié nous parle DU Parisien ou de LA Parisienne, comme si Elle ou Il avaient une essence particulière et propre à ce " peuple " de Paris. J'ai le sentiment qu'à chaque fois qu'on essentialise, qu'on regroupe un ensemble humain et qu'on le baptise d'un même nom générique, comme s'il s'agissait d'un ensemble cohérent alors que manifestement la diversité humaine fait que cette cohérence, et donc cet ensemble, n'existe pas, on établit un boulevard à la pensée raciste, celle qui clive, celle qui fait des paquets, celle qui classe les uns par rapport aux autres.

J'ai donc été assez gênée par cette dénomination : les Parisiens, les Français. Qu'est-ce que ça veut dire les Français ? Comment peut-on parler comme d'un ensemble homogène et ayant des caractéristiques particulières une population de 45 millions d'habitants (à l'époque) ? Pour moi, c'est aussi bête que de dire " les Africains ". Qu'est-ce que ça veut dire les Africains ? Sont-ce les Mozambicains ? Les Mauritaniens ? Et qu'est-ce que ça veut dire les Mozambicains ? les Mauritaniens ? Je n'en ai pas la moindre idée. C'est un peu comme de parler, sous un même chapeau, comme d'une évidence non sujette à variation, des " femmes ", ce modeste ensemble d'un peu plus de trois milliards et demi d'individus…

Voilà, je ne sais pas si je suis très claire avec cette notion, en tout cas, même si Un Nègre à Paris pose certaines questions intéressantes, ce n'est pas ce que j'attends d'un roman. Peut-être que l'essai politique aurait été plus approprié pour exprimer ce que l'auteur semblait avoir envie d'exprimer. D'où cette impression plutôt mitigée voire négative.

Pour le reste, il s'agit d'un " Africain " (Qu'est-ce que ça veut dire ? Toujours la même douloureuse question et c'est en cela que j'aurais aimé avoir un vrai personnage sur lequel brancher mon affectif. Un personnage authentifié, incarné, sublime ou répugnant, mais un personnage, que diable !), Tanhoe Bertin qui se rend pour la première fois de sa vie à Paris. Il relate dans une longue lettre ses impressions pour un interlocuteur " africain ". (Qu'est-ce que ça veut dire ? Décidément…) Il y égraine ses surprises et ses désillusions tout en dressant de nombreuses comparaisons entre les modes de vie au pays et à Paris. (Lesquels contrastes mentionnés étaient probablement aussi poussés à l'époque au sein même de la France métropolitaine, entre zones rurales reculées et grandes villes, soit dit en passant.)

Bref, j'ai trouvé dommage de mettre cette immense culture et cette belle maîtrise de la langue au service d'une sorte de catalogue alors que j'aurais vraiment aimé pouvoir m'attacher à des personnages, les sentir évoluer, m'identifier à quelqu'un, entrer dedans quoi. Tandis qu'ici, je suis restée totalement extérieure au récit. Dommage. Toutefois, ceci n'est que mon avis, aussi stupide et blafard que LA Parisienne (Mais de quelle Parisienne parlons-nous ? Y aurait-il une diversité ?), c'est-à-dire pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          1164



Ont apprécié cette critique (101)voir plus




{* *}