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Critique de beatriceferon


« Nice, promenade des Anglais, 14 septembre 1927 », Isadora Duncan, la cinquantaine rayonnante, admire sans vergogne un bellâtre « un peu vulgaire, brun, bronzé, chaîne au cou, sourire luisant », nonchalamment installé « au volant de sa voiture de frime, une Amilcar, modèle de course à deux places. »
La capricieuse diva s'élance et, d'un bond de gazelle, s'installe sur le siège passager. le jeune homme obéit à son injonction. Il démarre. La belle rejette négligemment sur son épaule le pan de sa longue écharpe. La suite... on la connaît.
Page suivante, en 1923, à Moscou, le poète Serge Essenine découvre avec dépit dans la « Pravda » un article qui l'énerve.
Ce roman graphique raconte la rencontre et la passion tumultueuse de deux « monstres sacrés ». le volume compte cent cinquante-deux pages et n'est que le premier tome d'un diptyque. Il se structure en quatre parties présentées par une page colorée porteuse d'un titre, date, lieu, ainsi qu'une épigraphe. Plus on avance dans le récit, plus on recule dans le temps.
L'histoire ne m'a plu que moyennement. Les personnages ont des caractères excessifs et des caprices d'enfants gâtés qui m'agacent.
Serge Essenine a une haute opinion de lui-même, il boit, se bat, profite de l'argent d'Isadora, qui a presque vingt ans de plus que lui.
Celle-ci se promène pieds nus dans la campagne russe, se proclame communiste, mais, quand on veut la loger dans une demeure princière, elle la traite de « gourbi ». Elle apparaît vêtue de rouge pour bien marquer ses opinions politiques, mais porte quand même des tenues haute couture. Reçue dans la « bonne société », elle insulte ses hôtes et, non contente d'interrompre grossièrement la dame qui interprète une petite romance, elle s'exclame : « du temps de la Révolution française, on l'aurait guillotinée ! »
Le récit est parsemé d'extraits des oeuvres du poète. Hélas, ils ne me touchent ni ne me parlent.
Toutefois, j'imagine la somme colossale de recherches que doit représenter la documentation permettant de réaliser cette bande dessinée.
J'ai beaucoup aimé les dessins (ou peut-être devrais-je plutôt dire les peintures) de Clément Oubrerie. le découpage des planches m'a paru très original : certaines sont des gros plans d'un détail (p.6), des vues d'ensemble d'un paysage (pp. 34,114).
Page 116, la silhouette de la danseuse se dilue dans l'eau. Son amant l'a avilie et la traite comme une prostituée. A l'image de ce portrait, sa forte personnalité doit se désagréger.
Les personnages, pourtant représentés par quelques traits seulement, sont remarquablement ressemblants.
A certains moments apparaissent des images fantasmagoriques, surréalistes (pp. 56-57 ; 94).
Ce que j'ai préféré, ce sont les passages où Isadora danse. Clément Oubrerie a supprimé les vignettes. La silhouette de l'artiste est partout à la fois,sous forme de dessins et en même temps d'esquisses, traduisant la vitesse et le mouvement.
Regarder les planches en écoutant la musique procure une impression vertigineuse.
Les couleurs sont, en général, assez sombres. Quand on découvre l'article que lit Serge, le sépia règne. Les vues de nuit sont rendues par des tons froids, bleu et vert.
La dominante est le brun. de temps à autre, une tache vive accroche l'oeil : il s'agit du rouge des tenues d'Isadora .
Enfin, on a beaucoup de vues d'ensemble où les personnages sont présentés en plans américain ou rapproché, mais le dessinateur joue aussi avec les gros plans et les incrustations.
J'ai trouvé ce travail extraordinaire et il m'a beaucoup plu.
Il me reste à remercier Babelio, dont l'opération Masse Critique m'a, une fois de plus, permis de faire une belle découverte, et les éditions Dargaud qui m'ont offert ce magnifique volume.
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