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Critique de Alzie


Alzie
18 novembre 2014
Le Bateau-Lavoir est l'une des vedette de ce tome 2. Bienvenue à bord. Paris s'éveille rue Ravignan. une minute ou deux pour contempler le portrait pleine page de Fernande endormie dans l'atelier de Pablo, atmosphère bleue (p.3), et la vie montmartroise reprend ses droits. C'est souvent la dèche au Bateau et le charbon vient à manquer, l'hiver 1904 est rude et glacial, il s'éternise. Pour vivre Fernande pose et fait la Reine de Saba. A peine amants que Pablo s'embrase : "Yé t'aime, yé ferai tout pour toi, tu ne sé qué yé ferai". Alerte ! Fernande rompt bien vite les amarres, mais prend soin de ne pas trop s'éloigner, s'accorde quelques conquêtes quand Pablo les multiplie. Elle est jalouse, lui possessif. Ils se séparent.

Max Jacob a quitté son emploi de magasinier et s'applique à sa nouvelle bohème, il tient boutique d'astrologie 7, rue Ravignan, mais s'improvise aussi agent pour démarcher les oeuvres de l'ami Pablo auprès des marchands. Peu de succès chez Durand-Ruel, quelques croûtes vendues chez Soulié ou chez le pittoresque Clovis Sagot. Les dessins érotiques s'écoulent sous le manteau. Toujours la dèche. En attendant, Pablo fréquente une taverne anglaise de Saint-Lazare où un autre poète ami des peintres et employé de banque à ses heures, l'a subjugué. "Elégant, sensible, trivial", Guillaume Apollinaris de Kostrowitzky "le mal aimé" qui publie à la Revue Blanche, participe aux soirées de la Plume fonde le Festin d'Esope, entre aussitôt en piste. Depuis 1901, Pablo a déjà Max pour ami, un trio vient de se constituer, union aventureuse de tous les renouveaux plastiques et littéraires. Au cirque Médrano, soudain les pages se tournent en rose et se couvrent de saltimbanques, d'écuyères bondissantes, d'acrobates et de clowns.

"A bas Laforgue et vive Rimbaud", tel est bientôt le cri de ralliement qui couvre de son écho puissant toute la butte enneigée silencieuse en cet hiver glacial 1904 - 1905 (p.37).

En mode "Lotus Bleu" (p.58) Fernande s'est essayée au calumet, au pavillon de Pigeard. Les amants sont déjà rafistolés, et le troisième Salon d'Automne ouvre ses portes : cris, hurlements, gesticulations devant les Fauves et "La Femme au chapeau". Mais cris, hurlements et gesticulations également devant "Le bain turc" qui vient d'être révélé au public à l'occasion de la rétrospective Ingres que le Salon offre parallèlement (Le tableau avait été commandé par le prince Napolèon mais choqua Eugénie lorsqu'il fut livré en 1859, il ne fut connu du public qu'en 1905). Pablo a vingt-quatre ans et n'a d'yeux que pour cette scène de harem, jusque là bien gardée chez le prince de Brogglie. Fernande regarde Matisse, on ne saurait l'en blâmer.

"Tes Fauves sont des minus ! Des chatons ! Ils n'inventent rien ! Alors que moi tu verras... "
"Je te couvrirai de sacs de charbon !" (p. 64) En attendant Fernande choisit Stendhal "De L'amour".

Quand enfin les Stein (Gertrude et Léo) font une entrée remarquée au Bateau-Lavoir amenés par Henri-Pierre Roché et que Gertrude examine, de ses petits yeux très rapprochés, les oeuvres de Pablo, huit cents francs en billets vont tomber dans sa bourse, c'est inespéré. Introduits 37, rue de Fleurus où Matisse et Ambroise Vollard règnent déjà, Fernande et Pablo tutoient désormais tous les amis des Stein : Cézanne, Gauguin, Renoir, Degas, Lautrec et les autres...

Drôle, passionnant et formidablement documenté. J'oubliais un truc hyyyyyyyyper important, c'est dans celui-la que Pablo se fait raser les moustaches.
Hasta la vista, amigos.
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