Arrive un des pires défis pour l'adolescent : le cours de sport.
Chacun scanne le corps des autres.
Les moqueries fusent, te filant des complexes que tu n'avais pas encore.
Tous les collégiens rêvent d'être transparents pendant deux heures. L'objectif de chacun est de dissimuler son corps. Un peu de gras du bide? Un peu trop de poitrine ? Des jambes un peu courtes? Absence de seins? Des rougeurs quand tu cours? Des baskets trouées ? Un jogging moulant ?
Tout est prétexte à te prendre la honte de ta vie.
En classe quand je sens qu'un prof va interroger un élève, je m'efface.
Dans la rue, quand une personne cherche une cible pour se défouler je m'évapore.
A la maison, quand tout le monde est à fleur de peau, je disparaît.
A table, quand la tension familiale est palpable, je me dissous .
Je me retire de votre réalité. Vos yeux ne peuvent se fixer sur moi, car il n'y a plus rien à voir .
Je ne vous laisse aucune chance. Votre agressivité, vos regards inquisiteurs, ou vos coups d'oeil amusés passent à coté de moi
Des fois je me demande si c'est normal d'entendre des trucs contre les femmes, les noirs, les homosexuels toute la journée et de ne rien dire.
Mon père a une maxime qui j'espère se réalisera : "les stars du collège sont les idiots de demain."
Autant ma mère m'a tout appris de ma vulve, autant elle ne m'a jamais expliqué comment marche la machine à laver.
Enfermée à double tour, j’ouvre la pochette que m’a préparée ma mère, il y a déjà un an : “au cas où” : des serviettes en tissu, une culotte de rechange et un petit coeur avec écrit “Je t’aime. Maman.” C”est typiquement ce genre de petite attention mielleuse qui m’agace, mais j’avoue qu’enfermée dans les toilettes, seule, en ce moment particulier dont il va falloir que je reste indemne, j’apprécie le petit coeur et j’ose un petit sourire.