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Critique de nadejda


Après Valentine Goby et Lyonel Trouillot, je n'ai pas résisté à l'envie de découvrir un autre titre de la collection Essences de chez Actes Sud que j'apprécie de plus en plus au fil de mes lectures.
Cette maison d'édition demande à chacun des écrivains qu'elle contacte ce que leur inspire parfums et odeurs. Et chacune de ces lectures permet finalement au lecteur de pénétrer l'essence singulière de leur écriture.

Avec finesse et légèreté Véronique Bizot offre dans « Une île » une suite de textes courts qu'elle déroule au gré de sa fantaisie et des échanges avec son entourage. Un livre pétillant, malicieux et ironique mais pas superficiel jalonné de quelques notes de gravité.

« On sait (cependant) que le gaz, quand il explose, explose dans la cuisine. le gaz est donc, avec celles du ragoût, de la soupe aux poireaux ou du poisson frit, une odeur de cuisine. Quand on oublie de l'allumer, uniquement. Quand on l'allume, le gaz ne sent rien, au contraire de la bougie. L'allumer le neutralise. le feu le désarme, c'est son paradoxe. Mais que, fenêtres fermées, on le laisse s'échapper et son odeur oppressante signale sa présence funeste. C'est sa manière de nous prévenir. le gaz nous laisse une chance, à nous de la saisir. »

L'auteur prend des chemins de traverse, on se demande où elle va nous emmener dans ses dérives qui semblent rompre avec le sujet initial et nous surprend au détour d'une phrase par la manière dont elle nous ramène vers l'odeur, le parfum après, par exemple, avoir parlé de sa peur de l'avion. Elle aime aussi noter l'absence d'odeur ou alors suivre une idée dans ses plus subtiles méandres comme lorsqu'elle joue entre parfum et peau :

« Je mets un parfum sur ma peau. Ensuite j'oublie qu'il y a un parfum. Je ne sais plus ce qu'il y a sous ce parfum, je ne sais plus qu'il y a de la peau, je ne sais plus que cette peau est ma peau, je ne sais plus ce que c'est que la peau. Je ne sais plus que sur ma peau il y a un parfum et que s'il n'y avait pas ma peau, il n'y aurait pas ce parfum. Ma peau n'est plus ce qui délimite et définit l'endroit où j'ai mis ce parfum, ce qui la sépare des autres peaux, elle n'est plus qu'un support pour le parfum. Mais j'ai oublié ce parfum, je ne le sens plus, je n'arrive plus à le sentir. J'ai mis ce parfum pour oublier l'odeur de ma peau mais en oubliant ma peau j'oublie aussi le parfum. Il y a des parfums parce qu'il y a des peaux…
et elle conclut par une pirouette : « On pourrait écrire sur sa peau (comme on écrit parfois sur les façades des maisons, sur les palissades des chantiers, sur les murailles des prisons), mais on ne le fait que très rarement. »

J'ai cru au tout début de ma lecture que je n'accrocherai pas à ce style mais rapidement je me suis laissée prendre et surprendre et ne le regrette pas.
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