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Critique de Musa_aka_Cthulie


En 1883, date de composition d'Un Gant, le combat féministe n'en est plus à ses débuts et Ibsen a en sus largement contribué à sa renommée en Norvège, bien que là ne fut pas son but avec Une Maison de poupée (1879). En revanche, Bjørnson traite bien, dans Un Gant, des inégalités entre hommes et femmes - et le sujet restait sensible, puisque Bjørnson ne trouva personne pour monter la pièce quand il la proposa. Il réécrivit la pièce des années plus tard, avec une fin différente, entre autres.


De quoi est-il exactement question ici ? Certainement pas d'un "vague de cas de conscience" comme l'a écrit un pseudo-critique français du XIXème dans une préface à une autre pièce de Bjørnson. Société bourgeoise, famille bourgeoise, et jeune femme naïve. Svava Riis, à laquelle sa mère a inculqué les idéaux féministes et qui passe son temps libre à aider des orphelins, se fiance sur un coup de coeur avec Alf Christensen, rejeton d'une autre famille bourgeoise (ça va de soi, on ne va pas ajouter la lutte des classes à la lutte des sexes). Seulement, alors que Svava voit en Alf sa parfaite âme soeur, une ou deux choses qu'elle apprendra sur son compte la feront très vite déchanter. Rien de grave, a priori, en tout cas aux yeux de tout le monde. Or, Svava se trouve être extrêmement naïve ; un exemple, qui embarrasse un chouïa ses parents, c'est qu'elle croit dur comme fer qu'Alf est aussi vierge qu'elle-même...


Tout le drame, alors que la pièce est présentée comme une comédie (il est vrai que certains passages ou personnages sont assez drôles), c'est que Svava va sortir d'un coup de son cocon, et découvrir un peu trop soudainement dans quel monde elle vit. Un monde où une mère peut vous faire l'éloge des idées féministes tout en ne s'y conformant pas, un monde où votre père n'est pas du tout à la hauteur de vos attentes, un monde où on attend des femmes qu'elles se conduisent sagement tandis que les hommes, ma foi, peuvent bien courir le guilledou. Bref, un monde hypocrite et qui ne donne pas tout à fait la même place aux femmes qu'aux hommes.


La réussite de la pièce tient en ce que personne ne comprend Svava, et que même le lecteur (à défaut du spectateur) va devoir se montrer patient afin de mettre le doigt sur ce qui la ronge. Et chaque personnage, parfois de façon comique (c'est le cas des parents Christensen), parfois de façon tout à fait sérieuse, de développer son point de vue sur la chose... histoire de ramener Svava à la raison. Et, curieusement, on n'a pas envie de crier à la mauvaise foi, parce que chez Bjørnson, les personnages ne sont pas détestables ou mus par des motifs nocifs. Ils sont simplement représentatifs de la société dans laquelle ils vivent. Quitte à effectuer sans cesse des compromis peu satisfaisants et peu propices à l'épanouissement personnel, telle ceux auxquels se plie depuis de longues années la mère de Svava.


On trouvera quelques longueurs ici et là, et on peut s'étonner, tout de même, de l'extrême naïveté de Svava, qui semble avoir complètement vécu sous cloche toute sa jeunesse. Mais c'est bien de ça qu'il s'agit, et la pièce tient ses promesses en tant que critique sociale. Et Bjørnson a su pour le coup terminer le tout sur une réplique qui donne à réfléchir.
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