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Citations sur Pèlerinages (7)

Même les 11 novembre ne nécessitent pas de toilette, il est comme au premier jour, comme de première jeunesse, lui qui l'aura remplacée. (...)
Ceux tombés au champ d'honneur sont là sans y être, on s'est passé de cercueils, d'obsèques, et de réexpédition vers le village natal.
C'est un tombeau par procuration, juste des portraits en médaillon et une liste de noms en lettres jaunes.La folie a ici son livre d'or.

( p.35)
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Nous ne sommes plus à l'époque où Barrès menait croisade pour la sauvegarde des églises de France, en passe d'être châteaux de cartes.Elles étaient en souffrance- d'être inscrites au patrimoine national.Ce fut à ce titre-là, tout de respect pour les monuments qui identifient
l' Histoire, et non en rabatteur de la foi, que Barrès donna de la voix.Il ne pouvait pas ne pas y toucher sa touche, d'ordre sentimental et poétique, envers la plus noble des occupations humaines, la méditation ; et la moindre église de village remplit cet office, en plus de l'autre.Illustrons.Face à ce qu'il y a " d'incompréhensible et d'implacable dans la destinée humaine", selon ses mots, Barrès s'incline, et s'il veut sauver les églises, c'est pour "laisser aux facultés émotives le temple silencieux où elles s'apaisent depuis des siècles ".C'est du Bach.

( p.18)
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Est-ce déjà du pèlerinage, de nous rendre chaque jour là où nous reprenons le collier, fût-il bijou?
- Oui, dirait le prêtre , que tous les matins ramènent devant l'autel.
L'écrivain se verrait bien pareil, la chasuble en moins.
Mais avec du gratiné en plus: ne rejoint- il pas sa table, tantôt tel un dératé , des mots à gogo lui filant le train, tantôt tel un touriste, pas mécontent de lambiner n'était l'impression que c'est son avenir, toujours sur le tapis jamais dessus, qui lui botte les fesses ?
Une fois assis, ça va mieux.Les rites prennent le relais, et la maniaquerie aussi.
Le papier, et pas n'importe lequel, là, comme ceci; les crayons, et d'une seule façon, là, comme cela, et tout à l'avenant, chaque chose à sa place, jusqu'au chat, dernière touche au tableau, pile en bout de plume, où il peut s'adonner à son caprice, sniffer l'encre.
Il y a dopé et dopant.
- Un petit coup?
- C'est pas de refus.
(..)
Crâner lui plaît, le conforte autant que les rites dont il use à la fois comme garde-à-vous : que tout soit nickel pour accueillir la phrase et comme garde-fou: éviter tout embardée vers n'importe quel passe- temps , plus affriolant (....)
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Ex- voto

Ce qui accroche et retient le regard, c'est, en lettres rouges, l'épitaphe, sereine, lumineuse, et cinglante à la fois:

" Ci- gît Calaferte en ce lieu
Qui n'aima que G., l'art et Dieu."

Devant n'importe quel mort anonyme, je suis porté à être dans mes petits souliers du seul fait qu'il y est passé.
C'est dire combien, là, j'avais de quoi saturer.Recueilli, je lis et relis l'épitaphe, longuement, impressionné, et plus que cela, comme si je percevais, venue du fond de la tombe, la force de l'esprit, intacte.

( p.159)
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(***à propos de Calaferte)

" Le Chemin de Sion" , premier volume de ses " Carnets", si j'ai pu écrire qu'il m'avait sauvé, c'est en ceci: n'arrivant à rien de valable dans mes écrits romancés alors que les années quatre-vingt étaient déjà là, et ma trentaine idem, sinon indemne, j'ai reçu ce livre comme une révélation, j'avais devant les yeux la preuve qu'il était possible, à condition que le talent suive, de composer quelque chose de costaud avec des fragments, avec des notes à partir de pensées, de lectures, d'humeurs et, d'une façon générale, à partir de ces sensations dont nous récompensent ou nous accablent la vie et le monde, bref, Calaferte m'a émancipé, m'a ouvert l'horizon, ce fût comme une bénédiction, et son livre, une sorte de viatique vers le pays d'où on ne tient pas à revenir, vers cette littérature qui démode la vie.C'est pourquoi je suis ici.

Chose originale, il n' y a pas de date sur la tombe.J'imagine très bien Calaferte avoir décidé cela dans un éclat ou de rire ou de voix:
- On s'en fout des dates !


(p.160)
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Ce Calaferte à part, et anar, toujours à cran, indigné et les pensées sans cesse en ordre de bataille, c'est l'image qui se présente en premier dans le souvenir. La violence dont il hérita, on sait son origine, ce fût celle de l'adolescent, prolo à quinze ans et qui, seul, désemparé, s'est vu perdu, ce que nous traduirions par: exclu des Béatitudes, excepté la pauvreté, à qui il fut abonné " ad vitam" ou presque, chose qu'il accueillit en répondant " chiche" !, dirait-on, tant il la pratiqua pour ce qu'elle fut à l'origine, une vertu évangéliques, dont vingt siècles de christianisme ont brouillé l'authenticité, laissant tout loisir à la société de la disqualifier, d'en faire une tare.Les livres d'abord lus, et de tout et en pagaille, puis écrits , l'auront exempté d'être à la solde des plus bas instincts.Résumons: la dévastation de soi par le sort qui vous est échu, c'est cela qui vous ferme les poings; d'où la question : comment toujours cogner sans se salir? Par le verbe.Que celui-ci transfigure la violence, et voilà Calaferte sauf.Et si, en son for intérieur, sa vie durant, ça bout, c'est tout bon, pour nous.Là, devant sa tombe, me revient en mémoire une de ces confidences, encore que, livrée dans une interview et en tapant sur la table, ce soit plutôt une proclamation, une protestation, un manifeste:" Je resterai en colère jusqu'à ma mort.On peut me couper en rondelles, chaque rondelle sera en colère. "

( p.162)
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" Sous les galeries de l'Odéon
Je ne craquerai pas de pognon"

Nous non plus.C'est ailleurs que nous sommes conviés à dépenser, là où ces boîtes de bouquinistes ont émigré, ralliant le gros de la troupe, sur les quais Justement, toute une littérature du XIXe siècle, et qui n'est pas allée plus loin, gît ici.Voici, jaunie et à vil prix, sa seule postérité, sur laquelle veille la Seine.C'est une compagnie toute trouvée. Depuis que le poète, penché sur le pont Mirabeau, s'est lamenté, est-ce que la Seine ne vaut pas, par excellence, catafalque ?

( p.152)
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