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Critique de HordeDuContrevent


J'aurais aimé comprendre ce livre singulier. Mais je dois avouer être passée à côté et n'avoir pas compris grand-chose à ce texte tellement étrange de Maurice Blanchot même s'il m'a fascinée, envoutée dès les premières pages. Entendons nous, je n'ai pas rien compris. J'ai eu par moment des fulgurances de compréhension, des éclairs, comme un magnifique rai de lumière illuminant une mer sombre et déchainée, illumination durant laquelle, confusément, je touchais du doigt la pensée de l'auteur et en étais simplement émerveillée. Puis je retombais dans l'incompréhension la ligne d'après, m'accrochant de nouveau à ma frêle barque qui tanguait dangereusement vers le point de non-retour, celui des rochers de l'abandon, relisant parfois plusieurs fois certaines phrases, tentant d'en comprendre le sens. J'ai cependant persévéré car je sais que derrière le côté très abscons du livre se trouve un trésor, ce livre, premier roman de Maurice Blanchot publié en 1941, étant qualifié de chef d'oeuvre par un bon nombre de lecteurs.

Par moment, pour me reprendre, pestant après mon incompréhension tout en étant touchée par la beauté des images et de la langue, je tentais de me dire qu'il s'agissait de rêves, d'images oniriques, avec lesquelles la compréhension est toujours vaine, et où savoir accepter ce qui vient est le plus important. Mais non une bonne partie du texte me restait incompréhensible. C'est bien écrit, d'une belle élégance, d'une ambiance magnétique, mais les oxymores multipliés à l'infini en vagues incessantes - « il est poussé en avant par son refus d'avancer »- « c'était d'une certaine manière le même lieu d'où il s'éloignait par la terreur de s'en éloigner » - ont fini par me donner la nausée…Peut-être aussi, sans doute, faut-il avoir un bagage assez solide en philosophie pour pouvoir apprécier pleinement toute la richesse de ce texte.

« Sous le nom de Thomas, dans cet état choisi où l'on pouvait me nommer et me décrire, j'avais l'aspect d'un vivant quelconque, mais comme je n'étais réel que sous le nom de mort, je laissai transparaître, sang mêlé à mon sang, l'esprit funeste des ombres et le miroir de chacun de mes jours refléta les images confondues de la mort et de la vie. »

De quoi s'agit-il ? de Thomas. Uniquement de Thomas, homme sans qualité, lambda pourrait-on dire, à la fois vivant et mort, placé dans une absence totale d'intrigue. Thomas donc, qui fait l'expérience de l'absence de frontières avec les objets et les éléments qui l'entourent, comme dissous en eux (j'essaie de vous résumer ce que j'ai compris, ce n'est pas simple). Ainsi en est-il avec la mer dès le premier chapitre que j'ai trouvé très beau, original, vivifiant. « Il se confondait avec la mer. L'ivresse de sortir de soi, de glisser dans le vide, de se disperser dans la pensée de l'eau, lui faisait oublier tout malaise. »
Thomas est bien présent par son corps et évanescent, dissous un peu comme le sel dans la mer, comme retiré du rivage des vivants, formant un avec le tout. Dès ce premier chapitre nous sommes plongés dans le bain de mots de Blanchot, sans bouée…Ainsi en est-il avec le bois puis la cave dans les chapitres qui suivent qui m'ont paru bien plus étranges et difficiles d'accès, et où j'ai bien failli m'y noyer. Un chapitre étonnant montre Thomas qui ne lit pas mais est lu par les mots, observé par eux comme par un être vivant, et « non seulement par un mot, mais tous les mots qui se trouvaient dans ce mot, par tous ceux qui l'accompagnaient et qui à leur tour contenaient en eux-mêmes d'autres mots, comme une suite d'anges s'ouvrant à l'infini jusqu'à l'oeil absolu »…Image vertigineuse du lecteur emparés par les mots qu'il lit, j'ai aimé l'idée.

Expériences étonnantes dans tous les cas, qui lui donnent à voir le monde qui l'entoure, et les autres humains, différemment, sans contour précis, sans limite. C'est dans ce contexte troublant qu'intervient Anna avec laquelle il a une relation (amoureuse ? sexuelle ?). La pauvre Anna va tenter de composer avec Thomas puis il s'avère qu'elle sera malade, agonisante et décédera. Des passages incroyables sur l'amour, la maladie et la mort m'ont tour à tour troublée, questionnée, énervée, éblouie…Tout tourne autour de la notion de finitude, de dissolution, de dissipation du sujet dans le tout et donc dans le rien, du néant.

Les idées sur le couple sont sans doute celles qui m'ont le plus parlée, troublée :
« D'un instant à l'autre, on pouvait prévoir, entre ces deux corps noués si intimement par des liens aussi fragiles, un contact qui révèlerait d'une manière épouvantable leur peu de liens. Plus il reculait à l'intérieur de lui-même, plus elle avançait légèrement. Il l'attirait, et elle s'enfonçait dans le visage dont elle pensait encore caresser les contours. Agissait-elle ainsi sans précaution, parce qu'elle croyait avoir affaire à quelqu'un d'inaccessible ou au contraire d'un accès trop facile ? »


L'obscur Thomas est un obscur texte, à mon humble niveau de compréhension, une obscurité que j'ai cependant aimé traverser, par moments disons. J'y ai trouvé quelques lumières que je garde précisément et qui brillent avec plus d'intensité lorsque je reviens les observer, des clartés obscures et scintillantes tels des diamants noirs. Mais que leur trouvaille me fut laborieuse ! A tous les amateurs de philosophie, assurément !

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