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Critique de Yaena


Yaena
31 décembre 2023
Je suis tombée par hasard sur ce petit livre en allant à la bibliothèque. J'ai failli le reposer car j'ai beaucoup de mal avec les écrits sur cette période qui ne sont pas des témoignages, et puis j'ai ouvert le livre et la plume m'a tout de suite séduite. Pourtant le début m'a donné un peu de fil à retordre. Je ne voyais pas où l'autrice voulait en venir et la mise en place m'a déstabilisée. Puis petit à petit l'écriture poétique mais directe m'a embarquée. Embarquée où me direz vous ? Dans la vie de Joachim, un enfant du ghetto de Varsovie, devenu un adulte taiseux et torturé, qui ne laisse à sa famille aucune porte d'entrée pour l'atteindre ou tenter de le comprendre.

L'autrice ne cherche pas à faire croire qu'elle y était ou qu'elle a vécu les choses de l'intérieur, elle nous raconte l'histoire du ghetto à travers l'histoire de deux familles et surtout de leurs enfants. Au départ j'ai trouvé que cela permettait d'avoir une vision dépassionnée des choses et un recul historique que n'avaient fatalement pas les gens à l'époque. L'autrice peut se permettre des questionnements secondaires puisqu'en tant qu'élément extérieur elle n'est pas dans l'urgence de la survie. Elle va également s'interroger sur l'impact psychologique du ghetto sur ses habitants, quand bien même ils ont échappé à la déportation et n'ont pas connu l'horreur des camps. Car effectivement vivre dans le ghetto c'était déjà vivre l'innommable. Elle nous raconte comment d'un petit garçon heureux de vivre Joachim est devenu cet adulte mort vivant. Hanté par le passé, hanté par les morts autant que par les survivants. Ce cheminement psychologique se fait en arrière plan pendant que dans le ghetto, la vie continue. Difficile, inhumaine, mais elle continue, parce que l'espoir et la lutte continuent, que des enfants sont sauvés, que des gens s'échappent, qu'une résistance s'organise.

L'autrice nous raconte comment le ghetto a flétri les âmes de ses habitants. de ce point de vue le personnage de Luba est particulièrement émouvant. Au fil des pages je me suis laissée émouvoir plus que je ne l'aurais imaginé, pour finalement me retrouver dans ce ghetto à serrer les dents pour chacun de ses gamins devenus trop vite adulte.

J'ai pu mettre cette lecture en rapport avec « Les mille vies d'Irena SENDLER », laquelle a sauvé des milliers d'enfants du ghetto. Sophie BLANDINIERES jette un pavé dans la mare en rappelant que si l'Église Catholique a sauvé des milliers d'enfants elle ne l'a jamais fait gratuitement. Pour chaque enfant juif 600 zlotys étaient versés, ils étaient baptisés alors qu'ils auraient pu se contenter d'avoir un certificat de baptême, certains ayant même dû faire leur communion, ou comment faire du prosélytisme forcé. On appelait ça la chasse aux âmes. Et puis surtout ça permettait de redorer le blason en faisant de bonnes actions, n'est ce pas ?

Le principal me direz vous c'est d'avoir sauvé ces enfants. C'est vrai, mais ont-ils vraiment été sauvés ? C'est la question que pose l'autrice dans ce livre : si les corps ont été sauvés qu'en est-il des âmes qui semblent être restées emprisonnées là bas dans ce ghetto qui n'existe plus et qui pourtant les retient.
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