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Critique de Nicolas9


Faire le tour du monde à pied à raison d'un mois par an durant le temps qu'il faudra : tel est le projet un peu fou d'Olivier Bleys. Mais quelle mouche l'a piqué ? A l'en croire, c'est une irrépressible attraction pour les globes terrestres et l'envie de parcourir ces étendues virtuelles aux noms exotiques qui, principalement, l'ont motivé.

D'ailleurs, l'écrivain voyageur adopte un comportement différent de la majorité des amateurs de grande randonnée : il ne prépare pas ses itinéraires, n'est pas équipé d'un vrai GPS (il semble même en ignorer l'existence !) et est prêt à transiter par des endroits sans charme particulier voire sans attrait aucun...

De quoi dérouter le lecteur-marcheur que je suis et qui, à contrario, sélectionne en général soigneusement ses chemins afin de s'assurer de passer par des lieux aussi beaux et préservés des laideurs postindustrielles que possible. J'avoue que l'apparente nonchalance de ce Lyonnais habitant la Gironde m'a un peu agacée, surtout au début.

Ainsi, il entame son « tour du monde » sans entraînement, sans avoir testé son matériel une seule fois, sans même savoir où il allait dormir le premier soir ! Pour un Suisse comme moi, c'est de la provocation et le signe d'un Don Quichotte qui va s'arrêter perclus de cloques après vingt kilomètres...

Or, il n'en est rien. L'écrivain barbu à une endurance de chameau et, avec son allure de cheval, il marche sans peine 30-40 km par jour ! Que voulez-vous, quand la santé s'allie à une force vitale supérieure à la moyenne on peut se permettre une certaine désinvolture.

J'ai d'ailleurs pu mesurer celle-ci à la manière dont Bleys narre sa traversée du canton du Valais au sud de la Suisse. Après avoir remarqué (quel scoop) la propreté impeccable des villes et des sentiers qu'il parcourt, il caricature à la hache la soi-disant opulence de cette région alpine pourtant parmi les plus défavorisées et inégalitaires d'Helvétie : « A première vue, le Valais n'a ni pauvres (faux), ni mendiants (vrai), ni immigrés (faux), ni jeunes fauteurs de troubles (faux), ni tags sur les murs (faux), ni même voitures de petite cylindrée (faux). La société dans son ensemble paraît jouir d'une prospérité insolente... »

Cher Monsieur Bleys : si je débarque à Chamonix, à Courmayeur ou à Garmisch-Partenkirschen un samedi ensoleillé, ne croyez-vous pas que j'aurai la même fausse impression ? Est-ce que Tassin-la-Demi-Lune, Ecully ou Limonest (tous trois dans le 69) sont représentatifs du pouvoir d'achat moyen dans le département du Rhône ? Franchement...

Au moins, je vous le concède, vous ne vous êtes pas trompé sur une chose, les repas au restaurant. Oui, ils sont hors de prix et d'une qualité très inégale, rarement proportionnelle au montant figurant sur l'addition. Pour tout le reste, quittez une fois les voies touristiques et venez habiter dans le Valais réel où les salaires sont une moquerie par rapport à un coût de la vie faramineux et un état beaucoup moins social qu'en France: pas d'APL, des allocations familiales correspondant à moins de 10% du SMIC (inofficiel) helvétique et l'obligation d'avoir une mutuelle de santé privée qui coûte 300 euros par mois et par adulte. Bref, un pays de cocagne…

Pour conclure, je dirai que ce livre peut malgré tout délivrer pas mal d'enseignements aux francophones qui désirent se lancer sur les vastes sentiers d'Europe : l'auteur rend compte dans le détail et avec sincérité de tous les écueils qui peuvent se présenter en route : manque d'eau, de nourriture, de logements, de contact humain, méfiance de la police, rencontre imprévue avec des petites frappes, chemins non asphaltés inexistants par endroit... Bref, un monde conçu quasi exclusivement pour l'automobiliste pressé !
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