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Critique de Colchik


Qui était Jeanne Weil, la mère de Proust ? Évelyne Bloch-Toledano essaie de répondre à cette question en dépeignant le contexte familial de Jeanne, en s'attachant à la destinée de la famille Weil-Berncastel et, plus largement, à l'intégration des Juifs dans la France de la seconde moitié du 19e siècle. J'ai trouvé toute cette partie passionnante, car elle explique comment Jeanne Weil, fille richement dotée de Nathan Weil, a pu épouser le docteur Adrien Proust, figure montante de la médecine hygiéniste, mais de condition modeste. Une jeune femme éduquée, musicienne, parfaitement rompue aux usages du milieu bourgeois, accepte de se lier à un homme qui a quinze ans de plus qu'elle, voyage beaucoup et fait une carrière publique, mais possède une culture somme toute assez limitée en dehors de son terrain d'élection, la médecine.
le livre d'Évelyne Bloch-Toledano s'attache également à éclairer les rapports qui se nouent très étroitement entre la mère et son aîné, Marcel, dès la prime enfance. Bien avant ses crises d'asthme, Marcel est atteint de « nervosisme ». Il ne faut pas oublier que Jeanne a mené sa grossesse pendant l'épisode tragique du siège de Paris par les Prussiens, puis de la Commune. Dans la relation très forte qui unit Jeanne à son fils se mêlent un souci de protection, mais aussi une volonté de pousser l'enfant à s'aguerrir, à dominer ses angoisses. Si la vie de Jeanne est très tôt marquée par le souci que lui cause Marcel, elle ne se résume pas seulement à Marcel. Adrien Proust, pourtant souvent absent, conserve la place centrale qu'occupe l'époux dans le foyer bourgeois, et qui n'est pas contradictoire avec celle du père et patriarche dans la tradition juive. Par ailleurs, le cadet de Jeanne, Robert, vigoureux et plein d'énergie, ne se laisse pas oublier malgré l'attention obligée que requièrent les problèmes de santé de Marcel.
Certainement l'homosexualité que va révéler Marcel à son adolescence a été un sujet très douloureux pour Jeanne Proust, au-delà de l'opprobre qu'elle faisait peser sur la population des « invertis ». Dans un premier temps, Jeanne a tout fait pour corriger Marcel et lui éviter des relations qu'elle jugeait dangereuses pour lui. Mais, quand il ne lui a plus été possible de s'illusionner sur la nature de ses rapports avec les hommes, elle a non pas accepté son homosexualité, mais s'en est accommodé avec d'autant plus de facilité qu'elle était la seule qui pouvait comprendre la souffrance de son fils.
Les dernières années de Jeanne sont assez tristes. Elle perd sa mère adorée, son cher oncle Louis Weil, son père, puis son mari. le fait de vivre avec Marcel ne comble sans doute pas le vide laissé par toutes ses disparitions car Jeanne existe dans sa famille quels que soient les liens qui l'unissent à Marcel. Les crises d'urémie qui ont emporté sa mère Adèle auront aussi raison d'elle. Elle affronte la mort avec le courage qu'elle a mis dans sa vie.
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