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Critique de mylena


Quand je me suis décidée à relire «Les douze» je pensais l'avoir lu en français mais visiblement je l'avais lu dans l'original, et du coup, je me suis attelée à une relecture dans l'original. Avec une certaine appréhension car cela faisait bien des années que je n'avais lu un ouvrage entier dans l'original. Certes c'est un texte court, mais c'est de la poésie, pas de la langue ordinaire. Heureusement j'avais copieusement annoté mon exemplaire, ce qui m'a évité tout recours à un dictionnaire !
Alexandre Blok a écrit son poème au plus près de la Révolution, pendant qu'elle était en cours. Il cherchait à « être adéquat avec la sonorité de l'époque » et on peut sans hésiter constater qu'il y a réussi : le rythme est syncopé, plein de ruptures, de dissonances, pour nous plonger au coeur de la tempête révolutionnaire. Il y a un côté dionysiaque dans le déchaînement anarchique des 12 gardes rouges. Les mots aussi partent dans tous les sens entre slogans, formules de prière, injures, bribes d'odes solennels… C'est un déchaînement de forces élémentaires comme le vent et la tempête de neige, c'est la mort d'une civilisation, mais avec l'image mystérieuse d'un Christ invisible qui chemine avec un drapeau rouge devant les 12 assassins on peut y voir une possibilité de subordination du désordre révolutionnaire à une nouvelle organisation, de l'espoir, une promesse de naissance d'une nouvelle culture. Ce poème a provoqué l'isolement de son auteur, incompris de la plupart de ses contemporains, il a déplu à la majorité des partisans de la Révolution comme à la majorité de ses adversaires. Les uns y voyant une caricature des Gardes Rouges, les autres une caricature choquante du Christ. Malgré cette énigmatique image christique ce qui reste d'essentiel ce sont des tableaux très concrets et saisissants de naturel qui font de ce texte un poème majeur de la Révolution russe. Blok s'est éloigné des bolchéviques en fait dès le remplacement des volontaires de la Garde Rouge par l'Armée Rouge des ouvriers et paysans avec service militaire obligatoire et encadrement par des commissaires politiques courant 1918, c'est à dire très peu de temps après la publication du poème. En 1920 Alexandre Blok nota sur un exemplaire de son propre poème : « On verra bien ce que le temps en fera. Peut-être toute politique est si sale qu'une seule goutte altère le poème et gâte tout le reste ; peut-être qu'elle n'en détruira pas la signification ; peut-être, finalement — qui sait ! — s'avérera-t-elle le ferment grâce auquel on lira Les Douze dans un temps qui ne sera plus le nôtre. »
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