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Citations sur Au fond de la couche gazeuse : 2011-2015 (25)

...et puis des habitants épars, divers d'âges, plutôt tous des étages d'en bas - dans les couches inférieures des classes moyennes, qui sont les débris dénués de signification d'une société désintégrée - et donc les hommes quelconques de la modernité tardive, le tout-venant précaire du IIIème millénaire, des anonymes de la métropole mondiale sans étonnement de la médiocrité et de l'étroitesse de la vie permise à végéter là, n'y trouvant pas étranges ces interphones, portes électroniques et robots auprès desquels il faut justifier son identité, et même son existence, et caméras qui sont partout (même quand on ne le voit pas) ; et à la physionomie sans beaucoup de vivacité durant qu'ils sont chacun absorbés par le maniement de leur Smartphone, iPad, BlackBerry, portables 3G à écran tactile, e-book, ou bien feuilletant un gratuit avec des fils électriques rentrant dans leurs oreilles.
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& dans cet ordre de choses une autre hypothèse, d'abord surprenante, s'est proposée à l'étude : que dans l'état social où nous sommes, où les générations se suivent, passagères, fortuites, isolées : elles paraissent, elles souffrent, elles meurent : nul lien n'existe entre elles, où l'individu se voit entièrement livré au seul jugement de l'argent et à la froideur concurrentielle pour se maintenir à flot quand il n'y en a pas pour tout le monde, à la solitude et à la précarité de ce destin économique, et que par cela la peur, l'angoisse sans répit, lui sont devenues si bien l'état normal, le surmenage permanent imposé par la contrainte de s'adapter, d'humiliations si continuelles qu'il ne les conçoit même plus; que dans un monde social si complètement dénué de toute bonté ou compréhension, sans aucune protection ou refuge de communauté, d'ailleurs instable et incertain quant au futur, où rien ne figure que provisoire, et si dépourvu de charme, de tranquillités, de clartés morales, de beauté ordinaire et pour tout le monde, où l'individu ne peut ignorer que c'est indifférent qu'il soit là ou non dans l'entassement de la collectivité, etc.
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& si l'on voulait se faire une notion de l'ascendant de ces appareils sur leurs utilisateurs, on le pourrait en étudiant les conduites qui sont par voie de conséquence à leur emploi : voyez ce groupe amical au café, ce couple au restaurant, dont chacun a posé devant lui son interface tactile : il apparaît vite qu'aucun d'eux n'est vraiment tout à fait là avec les autres, que sous le bavardage incohérent chacun se tient plus ou moins en retrait, dans l'aparté de son souci d'être possiblement en train de manquer quelque chose. (...) Qui sont donc chacun à attendre visiblement autre chose que d'être là ...
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Et à les côtoyer ainsi améliorés, l'air en effet satisfaits du branchement direct, on se dit que de toute façon la plupart n'avaient pas tellement le goût de la liberté pour eux-mêmes - et qu'ils avaient saisi là des possibilités innovantes de l'être encore moins.
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Le plus curieux et troublant dans cette métamorphose est qu'elle se soit produite comme à notre insu. On se réveille un jour dans un monde où tout est autrement, qui ne tient plus par rien à celui qui était là encore la veille, comme s'il en avait été toujours plus ou moins ainsi à vivre dans l'étroitesse de l'Âge définitif, à l'intérieur de cet invisible dôme radio-électrique nous séparant de tout ce qui fut antérieurement ; sans s'aviser que ce phénomène s'est étendu jusqu'en soi-même, à ne plus y retrouver les impressions, les pensées et les imaginations que l'on avait dans cette époque après tout peu lointaine, qu'on a connue, où tout se ressentait autrement, où l'on mangeait des huîtres, où les pêcheurs remontaient leurs filets grouillants de poissons ; où les nouveau-nés ne se présentaient pas avec déjà des nanotubes de carbone dans le cerveau, ni additionnés de mimétiques les prédestinant à une dentition désastreuse, aux tumeurs de la sphère reproductrice, avec des équivoques dans les caractéristiques, du déficit attentionnel et des troubles cognitifs ; où l'on apprenait les nouvelles par de grandes feuilles imprimées qu'on achetait dans la rue ; où les saisons étaient habituellement à ramener dans leur cycle les mêmes sortes de jours au long de la vie ; où le temps était devant ses habitants comme une évidence à se perdre au loin, si l'on s'y reporte, etc. ; et comme si beaucoup de générations s'étaient déjà succédées à l'abri de ce dôme depuis son établissement.
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De même qu'autrefois le monde nous était donné partout dans son immensité - de même aujourd'hui n'en rencontre-t-on partout que les portes closes, les interphones, les contrôles à l'embarquement, les sas de détection avant d'entrer, les codes d'accès et nous est-il refusé partout dans ses restrictions, ses zones de rétention, ses confinements d'air climatisé; ses pays délabrés que filment des drones, ses scènes d'égorgement.
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Qui répudie le passé est empêché d'aimer l'avenir et de vouloir y aller : qui veut ignorer un passé qui l'a porté au monde doit tourner le dos à un avenir où il disparaîtra avec ce monde présent.
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Il ne pouvait donc y avoir de meilleure époque pour la conscience que celle-ci où elle devient si vite un inconvénient.
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L'impression dominante, l'ambiance planétaire dans quoi nous respirons, si l'on trouvait à se reculer assez pour l'envisager, serait plutôt de fuite en avant, d'exaltation à réfuter l'évidence, d'un fanatisme collectif multipliant les expédients de procédés énergétiques pour alimenter la machinerie, assez comme l'autarcie de guerre nazie et ses usines souterraines de carburant synthétique, en croyance désespérée de gagner assez de temps jusqu'à l'innovation miracle : entreprises manifestement absurdes de stockage en sous-sol du CO2, d'exploitation du gaz de schiste ravageant l'hydrographie, ou d'extraction des schistes bitumeux salopant des contrées entières, de forages sous la calotte polaire ou au fond des abysses, de couvrir le Sahara de panneaux électrosolaires fabriqués en Chine, d'élevages de micro-algues à croissance rapide faisant en incubateur du pétrole instantané, de véhicules électriques pour tous avec des réacteurs neufs pour remplacer ceux en fusion et puis déjà ça de tirer avantage de la surpopulation en récupérant la chaleur animale captée dans les transports souterrains pour chauffer les logements de surface, ou un complexe de loisirs aquatiques avec les calories du crématorium voisin.
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Mais pour notre détriment ce monde-ci que les hommes ont rendu si inconfortable et malencontreux, ce monde de restrictions, de gênes de toutes sortes et privation vitales, ce monde étouffant et empoisonné, et dont l'examen est fait pour apporter à qui s'y livre à peu près tous les dégoûts, est le seul dont nous disposons.
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