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Critique de Krissie78


J'ai vécu deux ans à Aix en Provence, au début des années 1980, pour mes études. Des Milles je ne connaissais que la zone industrielle et commerciale, et encore, de nom seulement. C'est donc avec un grand étonnement que je découvre que cette banlieue d'Aix à abriter un camp pendant l'occupation allemande, tant il est vrai que l'histoire que nous apprenons (apprenions ?) à l'école ne fait (faisait) pas grand bruit sur cet aspect pas glorieux de notre histoire, à part pour mentionner Drancy.

Ariane Bois place son roman historique dans ce cas situé dans la France dite libre et gérée par les Français. C'est là qu'à partir de 1940 sont parqués des réfugiés de plusieurs nationalités, dont des Allemands opposés à Hitler ou des Espagnols ayant combattu puis fui la guerre d'Espagne, mais aussi des juifs de toutes nationalités, plus particulièrement d'Europe de l'Est. C'est là que Léo, jeune caricaturiste de la presse d'opposition, va se retrouver après avoir été arrêté par la police française, alors qu'il avait trouvé légalement un refuge à Sanary sur Mer. Personnage de fiction le jeune artiste va y côtoyer ou y croiser, des personnages illustrent ou d'autres plus modestes qui pourraient être qualifiés de Justes. Il y rencontrera aussi l'amour avec la belle Margot, issue d'une famille juive et qui se dévoue nuit et jour pour aider les réfugiés persécutés, notamment les femmes et les enfants.

L'auteure nous plonge dans l'univers de plus en plus inhumain de ces camps, au fur et à mesure des renoncements de gouvernement de Vichy face à l'occupant allemand. Elle nous décrit avec brio les émotions et sentiments qui traversent ses hommes privés de liberté parce qu'ils se sont exprimés contre la tyrannie. Ariane Bois raconte la colère, l'incompréhension, la solitude, la lutte quotidienne pour survivre, mais aussi la solidarité, l'entraide, les petites joies, les activités pour occuper le temps et/ou gagner un peu d'argent, les difficultés des démarches pour obtenir des papiers, un visa, une place sur un bateau pour s'exiler loin de l'Europe en guerre. On vit avec Léo la montée de l'horreur, de l'incommensurable. On tremble pour ces hommes, puis ces femmes et ces enfants lorsque le camp les « accueillera » aussi avant les trains vers Drancy puis les camps de concentration.

Mais il y a ces moments de bonheur volés à la violence de la guerre : l'éclosion d'un amour réciproque et passionné, des instants de douceur, le sourire d'un enfant, les dessins et la peinture de cette fresque dans le réfectoire.
Le style est sobre et élégant. Les descriptions sont réalistes, lumineuses comme le ciel de Provence ou sombres comme la noirceur de ces temps. le rythme du récit varié : lent comme le temps qui ne passe pas dans ce camp d'internement il s'accélère quand la tension monte, devient haletant. On vibre à chaque moment, partage les espoirs et les déceptions de Léo. La colère s'infiltre en nous, les larmes coulent. La honte aussi.

Ariane Bois nous livre ici un roman très fort, et un vibrant hommage à ces hommes et ces femmes qui ont gardé espoir, se sont battus. Il y a nos deux héros imaginaires, mais c'est aussi l'occasion de mettre la lumière sur ceux qui ont vécu cette période : des artistes comme Max Ernst, des résistantes comme Hélène Taich, des justes comme le Pasteur Manen.

Il est clair que la prochaine fois que je passe du côté d'Aix-en-Provence je ferai une étape au Musée Mémorial du camp des Milles.

Merci à Babelio et aux Éditions Plon pour cette Masse Critique Privilège. Et merci à Ariane Bois pour ce roman qui fait vivre une mémoire qui ne devrait jamais s'éteindre.
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