Détruisez ce Lion ! Détruisez cette Brute !
Ne glorifiez pas le souvenir fatal
De l'heure et de l'endroit qui virent notre chute,
Par ce bronze et ce piédestal !
On vous brave ! On vous raille ! On vous souille ! On vous joue !
Wallons, n'ayez pas l'air de n'y comprendre rien !
Un crachat sur la face, un soufflet sur la joue,
Ne semblez pas penser : "C'est bien !"
Parce que, nos héros écrasés, nous cessâmes
D'être le premier peuple, et que nous n'avons plus
Le pouvoir d'imposer notre idéal aux âmes,
Parce que nous fûmes vaincus,
Pour insulter le sol où gît notre héroïsme,
Pour célébrer ce deuil et cet écroulement,
Pour acclamer, pour exalter ce cataclysme,
Nous avons fait ce monument !
Pour nous vanter d'avoir abandonné le Maître,
Au plus tragique, au plus formidable moment,
Et d'avoir été vils, félons, lâches peut-être,
Nous avons fait ce monument !
Et soudain - est-ce un rêve ? -
Le piédestal se meut ; le Lion se soulève ;
Le grand Lion de bronze, au fond du ciel plus clair,
Se cabre ; on voit trembler et se dresser dans l'air,
Puis de pencher et s'écrouler sa masse lourde,
Dans le mugissement d'une explosion sourde...
Et nos morts, dans le sol glacé troublés ainsi,
Songèrent :
- L'Empereur repasse par ici !...