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Critique de Babelcoyo


Etant fumeur moi-même, j'avoue avoir repoussé la lecture de cet ouvrage pendant plusieurs semaines (d'ailleurs je vais m'en allumer une petite en écrivant cette chronique). Bien que friand de romans graphiques (comme on dit dans la jargon éditorial), ces longues BD qui prennent bien le temps de développer leur sujet, je ne savais pas trop à quoi m'attendre ici tout en préjugeant une atmosphère lourde et culpabilisante pour ma santé. Car évidemment nous savons tous que cette cigarette est un véritable poison. Finalement, cette lecture est d'un certain point de vue soulageante (en criminalisant les industriels davantage qu'en culpabilisant les fumeurs) et encourageante (il est toujours possible d'arrêter de fumer une fois que l'on a trouvé le ressort psychologique) même si bien entendu elle poussera le fumeur à se questionner de nouveau sur son addiction. Mais cet ouvrage n'est pas réservé aux seuls fumeurs, loin s'en faut. L'angle choisi est plutôt historique et économique et nous démontre que ce petit "bien" de consommation d'apparence anodine dans sa conception a bénéficié de recherches industrielles et de nouvelles techniques marketing sans précédent pour inonder le marché sur la durée, le tout soutenu par de puissants lobbies n'hésitant pas à se servir du "trésor de guerre" des cigarettiers (leur trésorerie sans limite accumulée grâce à de substantiels bénéfices) pour pérenniser leur business en période de crise et malgré les attaques répétées de l'OMS et d'associations de la société civile. Dans notre société ultra-informée d'aujourd'hui, nous ne sommes plus surpris de découvrir sans cesse de nouvelles preuves et confirmations du cynisme dont les industriels sont capables dans leur recherche effrénée de profits, quand bien même leur marché serait directement en rapport avec la santé de leurs consommateurs. Mais cela va toujours mieux en le disant et en l'étayant. Ce qui reste effrayant, ce sont les exercices de contorsions politiques dont sont capables nos gouvernants pour freiner l'essor d'une industrie nocive, d'autant qu'avec les taxes dont la cigarette fait l'objet, cette manne financière en période de crise durable est heureusement bienvenue pour équilibrer le budget de l'Etat dans un contexte de marchés financiers ne vivant qu'à très court terme. On a aussi tendance à croire que les pertes économiques à long terme induites par les coûts de santé liés aux traitement des maladies et des cancers de fumeurs (actifs ou passifs) constituent un argument économique imparable, mais l'auteur rappelle fort justement que ces morts précoces engendrent aussi des gains en termes de reversements de pensions de retraite... sujet également très sensible à l'heure actuelle. Les politiques n'ont donc qu'une obligation morale (et non économique) de résoudre ce problème de santé publique, et de ce côté-là on ne peut espérer trop de courage de leur part. Sur la forme, si l'ouvrage utilise un second degré prononcé très contemporain (et très en vogue sur les réseaux) qui permet de donner de la légèreté pour traiter habilement un sujet si lourd, son usage un peu trop systématique peut parfois décrédibiliser le propos en laissant croire que le fond n'est pas abordé sérieusement. le dossier sans filtre en fin d'ouvrage est également très symptomatique de la façon dont nous sommes parfois infantilisés en tant que public ou consommateur puisqu'il enfonce un certain nombre de portes déjà ouvertes... Malgré tout, cet exercice de vulgarisation tient tout de même bien la route dans son ensemble et se destine à un large public qui ne se limiterait pas aux mordus de l'enquête ou aux crypto-gauchistes complotistes. Personnellement, j'aurai préféré un traitement un peu moins focalisé sur la forme et davantage sur le fond en fournissant davantage de détails techniques et de résultats économiques, ceci afin de donner aux lecteurs des arguments pratiques l'aidant dans sa propre analyse et des éléments de langage concrets pour la transmission de son nouveau savoir. Ce ne sont là que des défauts mineurs de l'ouvrage qui a le mérite d'exister.
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